1. I. La vie de l’homme – connaître et aimer Dieu
Dieu, infiniment Parfait et Bienheureux en Lui-même, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le faire participer à sa vie bienheureuse. C’est pourquoi, de tout temps et en tout lieu, Il se fait proche de l’homme. Il l’appelle, l’aide à Le chercher, à Le connaître et à L’aimer de toutes ses forces. Il convoque tous les hommes que le péché a dispersés dans l’unité de sa famille, l’Église. Pour ce faire, Il a envoyé son Fils comme Rédempteur et Sauveur lorsque les temps furent accomplis. En Lui et par Lui, Il appelle les hommes à devenir, dans l’Esprit Saint, ses enfants d’adoption, et donc les héritiers de sa vie bienheureuse.
2. Pour que cet appel retentisse par toute la terre, le Christ a envoyé les apôtres qu’Il avait choisis en leur donnant mandat d’annoncer l’Évangile : " Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde " (Mt 28, 19-20). Forts de cette mission, les apôtres " s’en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l’accompagnaient " (Mc 16, 20).
3. Ceux qui à l’aide de Dieu ont accueilli l’appel du Christ et y ont librement répondu, ont été à leur tour pressés par l’amour du Christ d’annoncer partout dans le monde la Bonne Nouvelle. Ce trésor reçu des apôtres a été gardé fidèlement par leurs successeurs. Tous les fidèles du Christ sont appelés à le transmettre de génération en génération, en annonçant la foi, en la vivant dans le partage fraternel et en la célébrant dans la liturgie et la prière (cf. Ac 2, 42).
4. Très tôt on a appelé catéchèse l’ensemble des efforts entrepris dans l’Église pour faire des disciples, pour aider les hommes à croire que Jésus est le Fils de Dieu afin que, par la foi, ils aient la vie en son nom, pour les éduquer et les instruire dans cette vie et construire ainsi le Corps du Christ (cf. CT 1).
5. " La catéchèse est une éducation de la foi des enfants, des jeunes et des adultes, qui comprend spécialement un enseignement de la doctrine chrétienne, donné en général de façon organique et systématique, en vue d’initier à la plénitude de la vie chrétienne " (CT 18).
6. Sans se confondre avec eux, la catéchèse s’articule sur un certain nombre d’éléments de la mission pastorale de l’Église, qui ont un aspect catéchétique, qui préparent la catéchèse ou qui en découlent : première annonce de l’Évangile ou prédication missionnaire pour susciter la foi ; recherche des raisons de croire ; expérience de vie chrétienne ; célébration des sacrements ; intégration dans la communauté ecclésiale ; témoignage apostolique et missionnaire (cf. CT 18).
7. " La catéchèse est liée intimement à toute la vie de l’Église. Non seulement l’extension géographique et l’augmentation numérique mais aussi, et davantage encore, la croissance intérieure de l’Église, sa correspondance avec le dessein de Dieu, dépendent essentiellement d’elle " (CT 13).
8. Les périodes de renouveau de l’Église sont aussi des temps forts de la catéchèse. Ainsi voit-on à la grande époque des Pères de l’Église de saints évêques y consacrer une part importante de leur ministère. Tels sont S. Cyrille de Jérusalem et S. Jean Chrysostome, S. Ambroise et S. Augustin, et bien d’autres Pères dont les œuvres catéchétiques demeurent des modèles.
9. Le ministère de la catéchèse puise des énergies toujours nouvelles dans les Conciles. Le Concile de Trente constitue à cet égard un exemple à souligner : il a donné à la catéchèse une priorité dans ses constitutions et ses décrets ; il est à l’origine du Catéchisme Romain qui porte aussi son nom et constitue une œuvre de premier ordre comme abrégé de la doctrine chrétienne ; il a suscité dans l’Église une organisation remarquable de la catéchèse ; il a entraîné, grâce à de saints évêques et théologiens tels S. Pierre Canisius, S. Charles Borromée, S. Toribio de Mogrovejo, S. Robert Bellarmin, la publication de nombreux catéchismes.
10. Il n’est pas étonnant, dès lors, que, dans le mouvement à la suite du deuxième Concile du Vatican (considéré par le Pape Paul VI comme le grand catéchisme des temps modernes), la catéchèse de l’Église ait de nouveau attiré l’attention. Le " Directoire général de la Catéchèse " de 1971, les sessions du Synode des évêques consacrées à l’évangélisation (1974) et à la catéchèse (1977), les exhortations apostoliques qui leur correspondent, " Evangelii nuntiandi " (1975) et " Catechesi tradendæ " (1979), en témoignent. La session extraordinaire du Synode des évêques de 1985 demanda " que soit rédigé un catéchisme ou compendium de toute la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale " (rapport final II B a 4). Le Saint-Père, Jean Paul II, a fait sien ce vœu émis par le Synode des évêques en reconnaissant que " ce désir répond tout à fait à un vrai besoin de l’Église universelle et des Églises particulières " (Discours 7 décembre 1985). Il mit tout en œuvre pour la réalisation de ce vœu des pères du Synode.
11. III. Le but et les destinataires de ce Catéchisme
Ce Catéchisme a pour but de présenter un exposé organique et synthétique des contenus essentiels et fondamentaux de la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale, à la lumière du Concile Vatican II et de l’ensemble de la Tradition de l’Église. Ses sources principales sont l’Écriture Sainte, les saints Pères, la liturgie et le Magistère de l’Église. Il est destiné à servir " comme un point de référence pour les catéchismes ou compendia qui sont composés dans les divers pays " (Synode des Évêques 1985, rapport final II B a 4).
12. Ce Catéchisme est destiné principalement aux responsables de la catéchèse : en premier lieu aux évêques, en tant que docteurs de la foi et pasteurs de l’Église. Il leur est offert comme instrument dans l’accomplissement de leur charge d’enseigner le Peuple de Dieu. A travers les évêques, il s’adresse aux rédacteurs de catéchismes, aux prêtres et aux catéchistes. Il sera aussi d’utile lecture pour tous les autres fidèles chrétiens.
13. IV. La structure de ce Catéchisme
Le plan de ce Catéchisme s’inspire de la grande tradition des catéchismes qui articulent la catéchèse autour de quatre " piliers " : la profession de la foi baptismale (le Symbole), les sacrements de la foi, la vie de la foi (les Commandements), la prière du croyant (le Notre Père).
14. Première partie : La profession de la foi
Ceux qui par la foi et le Baptême appartiennent au Christ doivent confesser leur foi baptismale devant les hommes (cf. Mt 10, 32 ; Rm 10, 9). Pour cela, le Catéchisme expose d’abord en quoi consiste la Révélation par laquelle Dieu s’adresse et se donne à l’homme, et la foi, par laquelle l’homme répond à Dieu (première section). Le symbole de la foi résume les dons que Dieu fait à l’homme comme Auteur de tout bien, comme Rédempteur, comme Sanctificateur et les articule autour des " trois chapitres " de notre Baptême – la foi en un seul Dieu : le Père Tout-puissant, le Créateur ; et Jésus-Christ, son Fils, notre Seigneur et Sauveur ; et l’Esprit Saint, dans la Sainte Église (deuxième section).
15. Deuxième partie : Les sacrements de la foi
La deuxième partie du Catéchisme expose comment le salut de Dieu, réalisé une fois pour toutes par le Christ Jésus et par l’Esprit Saint, est rendu présent dans les actions sacrées de la liturgie de l’Église (première section), particulièrement dans les sept sacrements (deuxième section).
16. Troisième partie : La vie de la foi
La troisième partie du Catéchisme présente la fin ultime de l’homme, créé à l’image de Dieu : la béatitude, et les chemins pour y parvenir : par un agir droit et libre, avec l’aide de la loi et de la grâce de Dieu (première section) ; par un agir qui réalise le double commandement de la charité, déployé dans les dix Commandements de Dieu (deuxième section).
17. Quatrième partie : La prière dans la vie de la foi
La dernière partie du Catéchisme traite du sens et de l’importance de la prière dans la vie des croyants (première section). Elle s’achève sur un bref commentaire des sept demandes de la prière du Seigneur (deuxième section). En elles, en effet, nous trouvons la somme des biens que nous devons espérer et que notre Père céleste veut nous accorder.
18. V. Indications pratiques pour l’usage de ce Catéchisme
Ce Catéchisme est conçu comme un exposé organique de toute la foi catholique. Il faut donc le lire comme une unité. De nombreux renvois en marge du texte (numéros en italique se référant à d’autres paragraphes traitant du même sujet) et l’index thématique à la fin du volume permettent de voir chaque thème dans son lien avec l’ensemble de la foi.
19. Souvent, les textes de l’Écriture Sainte ne sont pas cités littéralement mais avec la seule indication de leur référence (par " cf. ") en note. Pour une intelligence approfondie de tels passages il convient de se reporter aux textes eux-mêmes. Ces références bibliques sont un instrument de travail pour la catéchèse.
20. L’emploi des petits caractères pour certains passages indique qu’il s’agit de remarques de type historique, apologétique ou d’exposés doctrinaux complémentaires.
21. Les citations, en petits caractères, de sources patristiques, liturgiques, magistérielles ou hagiographiques sont destinées à enrichir l’exposé doctrinal. Souvent ces textes ont été choisis en vue d’un usage directement catéchétique.
22. A la fin de chaque unité thématique, une série de textes brefs résument en des formules ramassées l’essentiel de l’enseignement. Ces " En bref " ont pour but de donner des suggestions à la catéchèse locale pour des formules synthétiques et mémorisables.
23. VI. Les adaptations nécessaires
L’accent de ce Catéchisme porte sur l’exposé doctrinal. En effet, il veut aider à approfondir la connaissance de la foi. Par là même il est orienté vers la maturation de cette foi, son enracinement dans la vie et son rayonnement dans le témoignage (cf. CT 20-22 ; 25).
24. Par sa finalité même, ce Catéchisme ne se propose pas de réaliser les adaptations de l’exposé et des méthodes catéchétiques exigées par les différences de cultures, d’âges, de maturité spirituelle, de situations sociales et ecclésiales de ceux à qui s’adresse la catéchèse. Ces adaptations indispensables relèvent des catéchismes appropriés, et plus encore de ceux qui instruisent les fidèles :
Celui qui enseigne doit " se faire tout à tous " (1 Co 9, 22), pour gagner tout le monde à Jésus-Christ. (...) Surtout qu’il ne s’imagine pas qu’une seule sorte d’âmes lui soit confiée, et que par conséquent il lui est loisible d’enseigner et de former également tous les fidèles à la vraie piété, avec une seule et même méthode et toujours la même ! Qu’il sache bien que les uns sont en Jésus-Christ comme des enfants nouvellement nés, d’autres comme des adolescents, quelques-uns enfin, comme en possession de toutes leurs forces. (...) Ceux qui sont appelés au ministère de la prédication doivent, en transmettant l’enseignement des mystères, de la foi et des règles des mœurs, proportionner leurs paroles à l’esprit et à l’intelligence de leurs auditeurs (Catech. R. préface 11).
25. Pour conclure cette présentation, il est opportun de rappeler ce principe pastoral qu’énonce le Catéchisme Romain :
Toute la finalité de la doctrine et de l’enseignement doit être placée dans l’amour qui ne finit pas. Car on peut bien exposer ce qu’il faut croire, espérer ou faire ; mais surtout on doit toujours faire apparaître l’Amour de Notre Seigneur afin que chacun comprenne que tout acte de vertu parfaitement chrétien n’a pas d’autre origine que l’Amour et pas d’autre terme que l’Amour (Catech. R. préface 10).
240. Jésus a révélé que Dieu est " Père " dans un sens inouï : Il ne l’est pas seulement en tant que Créateur, Il est éternellement Père en relation à son Fils unique, qui éternellement n’est Fils qu’en relation au Père : " Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien Le révéler " (Mt 11, 27).
241. C’est pourquoi les apôtres confessent Jésus comme " le Verbe qui était au commencement auprès de Dieu et qui est Dieu " (Jn 1, 1), comme " l’image du Dieu invisible " (Col 1, 15), comme " le resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa substance " (He 1, 3).
242. A leur suite, suivant la tradition apostolique, l’Église a confessé en 325 au premier Concile œcuménique de Nicée que le Fils est " consubstantiel " au Père, c’est-à-dire un seul Dieu avec lui. Le deuxième Concile œcuménique, réuni à Constantinople en 381, a gardé cette expression dans sa formulation du Credo de Nicée et a confessé " le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu du vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père " (DS 150).
249. III. La Sainte Trinité dans la doctrine de la foi
La formation du dogme trinitaire
La vérité révélée de la Sainte Trinité a été dès les origines à la racine de la foi vivante de l’Église, principalement au moyen du baptême. Elle trouve son expression dans la règle de la foi baptismale, formulée dans la prédication, la catéchèse et la prière de l’Église. De telles formulations se trouvent déjà dans les écrits apostoliques, ainsi cette salutation, reprise dans la liturgie eucharistique : " La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous " (2 Co 13, 13 ; cf. 1 Co 12, 4-6 ; Ep 4, 4-6).
250. Au cours des premiers siècles, l’Église a cherché de formuler plus explicitement sa foi trinitaire tant pour approfondir sa propre intelligence de la foi que pour la défendre contre des erreurs qui la déformaient. Ce fut l’œuvre des Conciles anciens, aidés par le travail théologique des Pères de l’Église et soutenus par le sens de la foi du peuple chrétien.
251. Pour la formulation du dogme de la Trinité, l’Église a dû développer une terminologie propre à l’aide de notions d’origine philosophique : " substance ", " personne " ou " hypostase ", " relation ", etc. Ce faisant, elle n’a pas soumis la foi à une sagesse humaine mais a donné un sens nouveau, inouï à ces termes appelés à signifier désormais aussi un mystère ineffable, " infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir à la mesure humaine " (SPF 9).
252. L’Église utilise le terme " substance " (rendu aussi parfois par " essence " ou par " nature ") pour désigner l’être divin dans son unité, le terme " personne " ou " hypostase " pour désigner le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans leur distinction réelle entre eux, le terme " relation " pour désigner le fait que leur distinction réside dans la référence des uns aux autres.
253. La Trinité est Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes : " la Trinité consubstantielle " (Cc. Constantinople II en 553 : DS 421). Les personnes divines ne se partagent pas l’unique divinité mais chacune d’elles est Dieu tout entier : " Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même qu’est le Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul Dieu par nature " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). " Chacune des trois personnes est cette réalité, c’est-à-dire la substance, l’essence ou la nature divine " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804).
254. Les personnes divines sont réellement distinctes entre elles. " Dieu est unique mais non pas solitaire " (Fides Damasi : DS 71). " Père ", " Fils ", " Esprit Saint " ne sont pas simplement des noms désignant des modalités de l’être divin, car ils sont réellement distincts entre eux : " Celui qui est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est le Père n’est pas le Fils, ni le Saint-Esprit n’est celui qui est le Père ou le Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). Ils sont distincts entre eux par leurs relations d’origine : " C’est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui procède " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804). L’Unité divine est Trine.
255. Les personnes divines sont relatives les unes aux autres. Parce qu’elle ne divise pas l’unité divine, la distinction réelle des personnes entre elles réside uniquement dans les relations qui les réfèrent les unes aux autres : " Dans les noms relatifs des personnes, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit aux deux ; quand on parle de ces trois personnes en considérant les relations, on croit cependant en une seule nature ou substance " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 528). En effet, " tout est un [en eux] là où l’on ne rencontre pas l’opposition de relation " (Cc. Florence en 1442 : DS 1330). " A cause de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Saint-Esprit tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils " (Cc. Florence en 1442 : DS 1331).
256. Aux Catéchumènes de Constantinople, S. Grégoire de Nazianze, que l’on appelle aussi " le Théologien ", confie ce résumé de la foi trinitaire :
Avant toutes choses, gardez-moi ce bon dépôt, pour lequel je vis et je combats, avec lequel je veux mourir, qui me fait supporter tous les maux et mépriser tous les plaisirs : je veux dire la profession de foi en le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Je vous la confie aujourd’hui. C’est par elle que je vais tout à l’heure vous plonger dans l’eau et vous en élever. Je vous la donne pour compagne et patronne de toute votre vie. Je vous donne une seule Divinité et Puissance, existant Une dans les Trois, et contenant les Trois d’une manière distincte. Divinité sans disparate de substance ou de nature, sans degré supérieur qui élève ou degré inférieur qui abaisse. (...) C’est de trois infinis l’infinie connaturalité. Dieu tout entier chacun considéré en soi-même (...), Dieu les Trois considérés ensemble (...). Je n’ai pas commencé de penser à l’Unité que la Trinité me baigne dans sa splendeur. Je n’ai pas commencé de penser à la Trinité que l’unité me ressaisit ... (or. 40, 41 : PG 36, 417).
290. II. La création – œuvre de la Sainte Trinité
" Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1) : trois choses sont affirmées dans ces premières paroles de l’Écriture : le Dieu éternel a posé un commencement à tout ce qui existe en dehors de lui. Lui seul est créateur (le verbe " créer " – en hébreu bara – a toujours pour sujet Dieu). La totalité de ce qui existe (exprimé par la formule " le ciel et la terre ") dépend de Celui qui lui donne d’être.
291. " Au commencement était le Verbe (...) et le Verbe était Dieu. (...) Tout a été fait par lui et sans lui rien n’a été fait " (Jn 1, 1-3). Le Nouveau Testament révèle que Dieu a tout créé par le Verbe Éternel, son Fils bien-aimé. C’est en lui " qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre (...) tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui " (Col 1, 16-17). La foi de l’Église affirme de même l’action créatrice de l’Esprit Saint : il est le " donateur de vie " (Symbole de Nicée-Constantinople), " l’Esprit Créateur " (" Veni, Creator Spiritus "), la " Source de tout bien " (Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte).
292. Insinuée dans l’Ancien Testament (cf. Ps 33, 6 ; 104, 30 ; Gn 1, 2-3), révélée dans la Nouvelle Alliance, l’action créatrice du Fils et de l’Esprit, inséparablement une avec celle du Père, est clairement affirmée par la règle de foi de l’Église : " Il n’existe qu’un seul Dieu (...) : il est le Père, il est Dieu, il est le Créateur, il est l’Auteur, il est l’Ordonnateur. Il a fait toutes choses par lui-même, c’est-à-dire par son Verbe et par sa Sagesse " (S. Irénée, hær. 2, 30, 9), " par le Fils et l’Esprit " qui sont comme " ses mains " (ibid., 4, 20, 1). La création est l’œuvre commune de la Sainte Trinité.
441. Fils de Dieu, dans l’Ancien Testament, est un titre donné aux anges (cf. Dt 32, 8 ; Jb 1, 6), au peuple de l’Élection (cf. Ex 4, 22 ; Os 11, 1 ; Jr 3, 19 ; Si 36, 11 ; Sg 18, 13), aux enfants d’Israël (cf. Dt 14, 1 ; Os 2, 1) et à leurs rois (cf. 2 S 7, 14 ; Ps 82, 6). Il signifie alors une filiation adoptive qui établit entre Dieu et sa créature des relations d’une intimité particulière. Quand le Roi-Messie promis est dit " fils de Dieu " (cf. 1 Ch 17, 13 ; Ps 2, 7), cela n’implique pas nécessairement, selon le sens littéral de ces textes, qu’il soit plus qu’humain. Ceux qui ont désigné ainsi Jésus en tant que Messie d’Israël (cf. Mt 27, 54) n’ont peut-être pas voulu dire davantage (cf. Lc 23, 47).
442. Il n’en va pas de même pour Pierre quand il confesse Jésus comme " le Christ, le Fils du Dieu vivant " (Mt 16, 16) car celui-ci lui répond avec solennité : " Cette révélation ne t’est pas venue de la chair et du sang mais de mon Père qui est dans les cieux " (Mt 16, 17). Parallèlement Paul dira à propos de sa conversion sur le chemin de Damas : " Quand Celui qui dès le sein maternel m’a mis à part et appelé par sa grâce daigna révéler en moi son Fils pour que je l’annonce parmi les païens... " (Ga 1, 15-16). " Aussitôt il se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, proclamant qu’il est le Fils de Dieu " (Ac 9, 20). Ce sera dès le début (cf. 1 Th 1, 10) le centre de la foi apostolique (cf. Jn 20, 31) professée d’abord par Pierre comme fondement de l’Église (cf. Mt 16, 18).
443. Si Pierre a pu reconnaître le caractère transcendant de la filiation divine de Jésus Messie, c’est que celui-ci l’a nettement laissé entendre. Devant le Sanhédrin, à la demande de ses accusateurs : " Tu es donc le Fils de Dieu ", Jésus a répondu : " Vous le dites bien, je le suis " (Lc 22, 70 ; cf. Mt 26, 64 ; Mc 14, 61). Bien avant déjà, Il s’est désigné comme " le Fils " qui connaît le Père (cf. Mt 11, 27 ; 21, 37-38), qui est distinct des " serviteurs " que Dieu a auparavant envoyés à son peuple (cf. Mt 21, 34-36), supérieur aux anges eux-mêmes (cf. Mt 24, 36). Il a distingué sa filiation de celle de ses disciples en ne disant jamais " notre Père " (cf. Mt 5, 48 ; 6, 8 ; 7, 21 ; Lc 11, 13) sauf pour leur ordonner " vous donc priez ainsi : Notre Père " (Mt 6, 9) ; et il a souligné cette distinction : " Mon Père et votre Père " (Jn 20, 17).
444. Les Évangiles rapportent en deux moments solennels, le Baptême et la transfiguration du Christ, la voix du Père qui Le désigne comme son " Fils bien-aimé " (cf. Mt 3, 17 ; 17, 5). Jésus se désigne Lui-même comme " le Fils Unique de Dieu " (Jn 3, 16) et affirme par ce titre sa préexistence éternelle (cf. Jn 10, 36). Il demande la foi " au nom du Fils unique de Dieu " (Jn 3, 18). Cette confession chrétienne apparaît déjà dans l’exclamation du centurion face à Jésus en croix : " Vraiment cet homme était Fils de Dieu " (Mc 15, 39). Dans le mystère pascal seulement le croyant peut donner sa portée ultime au titre de " Fils de Dieu ".
445. C’est après sa Résurrection que sa filiation divine apparaît dans la puissance de son humanité glorifiée : " Selon l’Esprit qui sanctifie, par sa Résurrection d’entre les morts, il a été établi comme Fils de Dieu dans sa puissance " (Rm 1, 4 ; cf. Ac 13, 33). Les apôtres pourront confesser : " Nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité " (Jn 1, 14).
467. Les monophysites affirmaient que la nature humaine avait cessé d’exister comme telle dans le Christ en étant assumée par sa personne divine de Fils de Dieu. Confronté à cette hérésie, le quatrième Concile œcuménique, à Chalcédoine, a confessé en 451 :
A la suite des saints Pères, nous enseignons unanimement à confesser un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité et parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme, composé d’une âme rationnelle et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l’humanité, " semblable à nous en tout, à l’exception du péché " (He 4, 15) ; engendré du Père avant tout les siècles selon la divinité, et en ces derniers jours, pour nous et pour notre salut, né de la Vierge Marie, Mère de Dieu, selon l’humanité.
Un seul et même Christ, Seigneur, Fils unique, que nous devons reconnaître en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation. La différence des natures n’est nullement supprimée par leur union, mais plutôt les propriétés de chacune sont sauvegardées et réunies en une seule personne et une seule hypostase (DS 301-302).
470. IV. Comment le Fils de Dieu est-il homme ?
Parce que dans l’union mystérieuse de l’Incarnation " la nature humaine a été assumée, non absorbée " (GS 22, § 2), l’Église a été amenée au cours des siècles à confesser la pleine réalité de l’âme humaine, avec ses opérations d’intelligence et de volonté, et du corps humain du Christ. Mais parallèlement, elle a eu à rappeler à chaque fois que la nature humaine du Christ appartient en propre à la personne divine du Fils de Dieu qui l’a assumée. Tout ce qu’il est et ce qu’il fait en elle relève " d’Un de la Trinité ". Le Fils de Dieu communique donc à son humanité son propre mode d’exister personnel dans la Trinité. Ainsi, dans son âme comme dans son corps, le Christ exprime humainement les mœurs divines de la Trinité (cf. Jn 14, 9-10) :
Le Fils de Dieu a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché (GS 22, § 2).
471. L’âme et la connaissance humaine du Christ
Apollinaire de Laodicée affirmait que dans le Christ le Verbe avait remplacé l’âme ou l’esprit. Contre cette erreur l’Église a confessé que le Fils éternel a assumé aussi une âme raisonnable humaine (cf. DS 149).
472. Cette âme humaine que le Fils de Dieu a assumée est douée d’une vraie connaissance humaine. En tant que telle celle-ci ne pouvait pas être de soi illimitée : elle était exercée dans les conditions historiques de son existence dans l’espace et le temps. C’est pourquoi le Fils de Dieu a pu vouloir en se faisant homme " croître en sagesse, en taille et en grâce " (Lc 2, 52) et de même avoir à s’enquérir sur ce que dans la condition humaine on doit apprendre de manière expérimentale (cf. Mc 6, 38 ; Mc 8, 27 ; Jn 11, 34 ; etc.). Cela correspondait à la réalité de son abaissement volontaire dans " la condition d’esclave " (Ph 2,7).
473. Mais en même temps, cette connaissance vraiment humaine du Fils de Dieu exprimait la vie divine de sa personne (cf. S. Grégoire le Grand, ep. 10, 39 : DS 475 : PL 77, 1097B). " La nature humaine du Fils de Dieu, non par elle-même mais par son union au Verbe, connaissait et manifestait en elle tout ce qui convient à Dieu " (S. Maxime le Confesseur, qu. dub. 66 : PG 90, 840A). C’est en premier le cas de la connaissance intime et immédiate que le Fils de Dieu fait homme a de son Père (cf. Mc 14, 36 ; Mt 11, 27 ; Jn 1, 18 ; 8, 55 ; etc.). Le Fils montrait aussi dans sa connaissance humaine la pénétration divine qu’il avait des pensées secrètes du cœur des hommes (cf. Mc 2, 8 ; Jn 2, 25 ; 6, 61 ; etc.).
474. De par son union à la Sagesse divine en la personne du Verbe incarné, la connaissance humaine du Christ jouissait en plénitude de la science des desseins éternels qu’il était venu révéler (cf. Mc 8, 31 ; 9, 31 ; 10, 33-34 ; 14, 18-20. 26-30). Ce qu’il reconnaît ignorer dans ce domaine (cf. Mc 13, 32), il déclare ailleurs n’avoir pas mission de le révéler (cf. Ac 1, 7).
475. De manière parallèle, l’Église a confessé au sixième Concile œcuménique (Cc. Constantinople III en 681) que le Christ possède deux volontés et deux opérations naturelles, divines et humaines, non pas opposées, mais coopérantes, de sorte que le Verbe fait chair a voulu humainement dans l’obéissance à son Père tout ce qu’il a décidé divinement avec le Père et le Saint-Esprit pour notre salut (cf. DS 556-559). La volonté humaine du Christ " suit sa volonté divine, sans être en résistance ni en opposition vis-à-vis d’elle, mais bien plutôt en étant subordonnée à cette volonté toute-puissante " (DS 556).
484. Paragraphe 2. " ... Conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie "
L’Annonciation à Marie inaugure la " plénitude des temps " (Ga 4, 4), c’est-à-dire l’accomplissement des promesses et des préparations. Marie est invitée à concevoir Celui en qui habitera " corporellement la plénitude de la divinité " (Col 2, 9). La réponse divine à son " comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? " (Lc 1, 34) est donnée par la puissance de l’Esprit : " L’Esprit Saint viendra sur toi " (Lc 1, 35).
485. La mission de l’Esprit Saint est toujours conjointe et ordonnée à celle du Fils (cf. Jn 16, 14-15). L’Esprit Saint est envoyé pour sanctifier le sein de la Vierge Marie et la féconder divinement, lui qui est " le Seigneur qui donne la Vie ", en faisant qu’elle conçoive le Fils éternel du Père dans une humanité tirée de la sienne.
486. Le Fils unique du Père en étant conçu comme homme dans le sein de la Vierge Marie est " Christ ", c’est-à-dire oint par l’Esprit Saint (cf. Mt 1, 20 ; Lc 1, 35), dès le début de son existence humaine, même si sa manifestation n’a lieu que progressivement : aux bergers (cf. Lc 2, 8-20), aux mages (cf. Mt 2, 1-12), à Jean-Baptiste (cf. Jn 1, 31-34), aux disciples (cf. Jn 2, 11). Toute la vie de Jésus-Christ manifestera donc " comment Dieu l’a oint d’Esprit et de puissance " (Ac 10, 38).
495. Appelée dans les Évangiles " la mère de Jésus " (Jn 2, 1 ; 19, 25 ; cf. Mt 13, 55), Marie est acclamée, sous l’impulsion de l’Esprit, dès avant la naissance de son fils, comme " la mère de mon Seigneur " (Lc 1, 43). En effet, Celui qu’elle a conçu comme homme du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils selon la chair, n’est autre que le Fils éternel du Père, la deuxième Personne de la Sainte Trinité. L’Église confesse que Marie est vraiment Mère de Dieu (Theotokos) (cf. DS 251).
496. Dès les premières formulations de la foi (cf. DS 10-64), l’Église a confessé que Jésus a été conçu par la seule puissance du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie, affirmant aussi l’aspect corporel de cet événement : Jésus a été conçu " de l’Esprit Saint sans semence virile " (Cc. Latran en 649 : DS 503). Les Pères voient dans la conception virginale le signe que c’est vraiment le Fils de Dieu qui est venu dans une humanité comme la nôtre :
Ainsi, S. Ignace d’Antioche (début IIe siècle) : " Vous êtes fermement convaincus au sujet de notre Seigneur qui est véritablement de la race de David selon la chair (cf. Rm 1, 3), Fils de Dieu selon la volonté et la puissance de Dieu (cf. Jn 1, 13), véritablement né d’une vierge, (...) il a été véritablement cloué pour nous dans sa chair sous Ponce Pilate (...) il a véritablement souffert, comme il est aussi véritablement ressuscité " (Smyrn. 1-2).
497. Les récits évangéliques (cf. Mt 1, 18-25 ; Lc 1, 26-38) comprennent la conception virginale comme une œuvre divine qui dépasse toute compréhension et toute possibilité humaines (cf. Lc 1, 34) : " Ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ", dit l’ange à Joseph au sujet de Marie, sa fiancée (Mt 1, 20). L’Église y voit l’accomplissement de la promesse divine donnée par le prophète Isaïe : " Voici que la vierge concevra et enfantera un fils " (Is 7, 14, d’après la traduction grecque de Mt 1, 23).
498. On a été parfois troublé par le silence de l’Évangile de S. Marc et des Épîtres du Nouveau Testament sur la conception virginale de Marie. On a aussi pu se demander s’il ne s’agissait pas ici de légendes ou de constructions théologiques sans prétentions historiques. A quoi il faut répondre : La foi en la conception virginale de Jésus a rencontré vive opposition, moqueries ou incompréhension de la part des non-croyants, juifs et païens (cf. S. Justin, dial. 66, 67 ; Origène, Cels. 1, 32. 69 ; e.a.) : elle n’était pas motivée par la mythologie païenne ou par quelque adaptation aux idées du temps. Le sens de cet événement n’est accessible qu’à la foi qui le voit dans ce " lien qui relie les mystères entre eux " (DS 3016), dans l’ensemble des mystères du Christ, de son Incarnation à sa Pâque. S. Ignace d’Antioche témoigne déjà de ce lien : " Le prince de ce monde a ignoré la virginité de Marie et son enfantement, de même que la mort du Seigneur : trois mystères retentissants qui furent accomplis dans le silence de Dieu " (Eph. 19, 1 ; cf. 1 Co 2, 8).
512. Paragraphe 3. Les mystères de la Vie du Christ
Le Symbole de la foi ne parle, concernant la vie du Christ, que des mystères de l’Incarnation (conception et naissance) et de la Pâque (passion, crucifixion, mort, sépulture, descente aux enfers, résurrection, ascension). Il ne dit rien, explicitement, des mystères de la vie cachée et publique de Jésus, mais les articles de la foi concernant l’Incarnation et la Pâque de Jésus éclairent toute la vie terrestre du Christ. " Tout ce que Jésus a fait et enseigné, depuis le commencement jusqu’au jour où (...) Il fut enlevé au ciel " (Ac 1, 1-2) est à voir à la lumière des mystères de Noël et de Pâques.
513. La Catéchèse, selon les circonstances, déploiera toute la richesse des mystères de Jésus. Ici il suffit d’indiquer quelques éléments communs à tous les mystères de la vie du Christ (I), pour esquisser ensuite les principaux mystères de la vie cachée (II) et publique (III) de Jésus.
514. I. Toute la vie du Christ est mystère
Beaucoup de choses qui intéressent la curiosité humaine au sujet de Jésus ne figurent pas dans les Évangiles. Presque rien n’est dit sur sa vie à Nazareth, et même une grande part de sa vie publique n’est pas relatée (cf. Jn 20, 30). Ce qui a été écrit dans les Évangiles, l’a été " pour que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom " (Jn 20, 31).
515. Les Évangiles sont écrits par des hommes qui ont été parmi les premiers à avoir la foi (cf. Mc 1, 1 ; Jn 21, 24) et qui veulent la faire partager à d’autres. Ayant connu dans la foi qui est Jésus, ils ont pu voir et faire voir les traces de son mystère dans toute sa vie terrestre. Des langes de sa nativité (cf. Lc 2, 7) jusqu’au vinaigre de sa passion (cf. Mt 27, 48) et au suaire de sa Résurrection (cf. Jn 20, 7), tout dans la vie de Jésus est signe de son mystère. A travers ses gestes, ses miracles, ses paroles, il a été révélé qu’" en Lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité " (Col 2, 9). Son humanité apparaît ainsi comme le " sacrement ", c’est-à-dire le signe et l’instrument de sa divinité et du salut qu’il apporte : ce qu’il y avait de visible dans sa vie terrestre conduisit au mystère invisible de sa filiation divine et de sa mission rédemptrice.
516. Les traits communs des mystères de Jésus
Toute la vie du Christ est Révélation du Père : ses paroles et ses actes, ses silences et ses souffrances, sa manière d’être et de parler. Jésus peut dire : " Qui me voit, voit le Père " (Jn 14, 9), et le Père : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le " (Lc 9, 35). Notre Seigneur s’étant fait homme pour accomplir la volonté du Père (cf. He 10, 5-7), les moindres traits de ses mystères nous manifestent " l’amour de Dieu pour nous " (1 Jn 4, 9).
517. Toute la vie du Christ est mystère de Rédemption. La Rédemption nous vient avant tout par le sang de la Croix (cf. Ep 1, 7 ; Col 1, 13-14 ; 1 P 1, 18-19), mais ce mystère est à l’œuvre dans toute la vie du Christ : dans son Incarnation déjà, par laquelle, en se faisant pauvre, il nous enrichit par sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9) ; dans sa vie cachée qui, par sa soumission (cf. Lc 2, 51), répare notre insoumission ; dans sa parole qui purifie ses auditeurs (cf. Jn 15, 3) ; dans ses guérisons et ses exorcismes, par lesquels " il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies " (Mt 8, 17 ; cf. Is 53, 4) ; dans sa Résurrection, par laquelle il nous justifie (cf. Rm 4, 25).
518. Toute la vie du Christ est mystère de Récapitulation. Tout ce que Jésus a fait, dit et souffert, avait pour but de rétablir l’homme déchu dans sa vocation première :
Lorsqu’il s’est incarné et s’est fait homme, il a récapitulé en lui-même la longue histoire des hommes et nous a procuré le salut en raccourci, de sorte que ce que nous avions perdu en Adam, c’est-à-dire d’être à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous le recouvrions dans le Christ Jésus (S. Irénée, hær. 3, 18, 1). C’est d’ailleurs pourquoi le Christ est passé par tous les âges de la vie, rendant par là à tous les hommes la communion avec Dieu (ibid. 3, 18, 7 ; cf. 2, 22, 4).
Notre communion aux mystères de Jésus
519. Toute la richesse du Christ " est destinée à tout homme et constitue le bien de chacun " (RH 11). Le Christ n’a pas vécu sa vie pour lui-même, mais pour nous, de son Incarnation " pour nous les hommes et pour notre salut " jusqu’à sa mort " pour nos péchés " (1 Co 15, 3) et à sa Résurrection " pour notre justification " (Rm 4, 25). Maintenant encore, il est " notre avocat auprès du Père " (1 Jn 2, 1), " étant toujours vivant pour intercéder en notre faveur " (He 7, 25). Avec tout ce qu’il a vécu et souffert pour nous une fois pour toutes, il reste présent pour toujours " devant la face de Dieu en notre faveur " (He 9, 24).
520. En toute sa vie, Jésus se montre comme notre modèle (cf. Rm 15, 5 ; Ph 2, 5) : il est " l’homme parfait " (GS 38) qui nous invite à devenir ses disciples et à le suivre : par son abaissement, il nous a donné un exemple à imiter (cf. Jn 13, 15), par sa prière, il attire à la prière (cf. Lc 11, 1), par sa pauvreté, il appelle à accepter librement le dénuement et les persécutions (cf. Mt 5, 11-12).
521. Tout ce que le Christ a vécu, il fait que nous puissions le vivre en Lui et qu’il le vive en nous. " Par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme " (GS 22, § 2). Nous sommes appelés à ne faire plus qu’un avec lui ; ce qu’il a vécu dans sa chair pour nous et comme notre modèle, il nous y fait communier comme les membres de son Corps :
Nous devons continuer et accomplir en nous les états et mystères de Jésus, et le prier souvent qu’il les consomme et accomplisse en nous et en toute son Église (...). Car le Fils de Dieu a dessein de mettre une participation, et de faire comme une extension et continuation de ses mystères en nous et en toute son Église, par les grâces qu’il veut nous communiquer, et par les effets qu’il veut opérer en nous par ces mystères. Et par ce moyen il veut les accomplir en nous (S. Jean Eudes, Le royaume de Jésus, 3, 4 : Oeuvres complètes, v. 1 [Vannes 1905] p. 310-311).
II. Les mystères de l’enfance et de la vie cachée de Jésus
522. La venue du Fils de Dieu sur la terre est un événement si immense que Dieu a voulu le préparer pendant des siècles. Rites et sacrifices, figures et symboles de la Première alliance (cf. He 9, 15), Il fait tout converger vers le Christ ; Il l’annonce par la bouche des prophètes qui se succèdent en Israël. Il éveille par ailleurs dans le cœur des païens l’obscure attente de cette venue.
523. Saint Jean le Baptiste est le précurseur (cf. Ac 13, 24) immédiat du Seigneur, envoyé pour Lui préparer le chemin (cf. Mt 3, 3). " Prophète du Très-Haut " (Lc 1, 76), il dépasse tous les prophètes (cf. Lc 7, 26), il en est le dernier (cf. Mt 11,13), il inaugure l’Évangile (cf. Ac 1, 22 ; Lc 16, 16) ; il salue la venue du Christ dès le sein de sa mère (cf. Lc 1, 41) et il trouve sa joie à être " l’ami de l’époux " (Jn 3, 29) qu’il désigne comme " l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde " (Jn 1, 29). Précédant Jésus " avec l’esprit et la puissance d’Elie " (Lc 1, 17), il lui rend témoignage par sa prédication, son baptême de conversion et finalement son martyre (cf. Mc 6, 17-29).
524. En célébrant chaque année la liturgie de l’Avent, l’Église actualise cette attente du Messie : en communiant à la longue préparation de la première venue du Sauveur, les fidèles renouvellent l’ardent désir de son second Avènement (cf. Ap 22, 17). Par la célébration de la nativité et du martyre du Précurseur, l’Église s’unit à son désir : " Il faut que Lui grandisse et que moi je décroisse " (Jn 3, 30).
535. III. Les mystères de la vie publique de Jésus
Le commencement (cf. Lc 3, 23) de la vie publique de Jésus est son Baptême par Jean dans le Jourdain (cf. Ac 1, 22). Jean proclamait " un baptême de repentir pour la rémission des péchés " (Lc 3, 3). Une foule de pécheurs, publicains et soldats (cf. Lc 3, 10-14), Pharisiens et Sadducéens (cf. Mt 3, 7) et prostituées (cf. Mt 21, 32) vient se faire baptiser par lui. " Alors paraît Jésus ". Le Baptiste hésite, Jésus insiste : il reçoit le Baptême. Alors l’Esprit Saint, sous forme de colombe, vient sur Jésus, et la voix du ciel proclame : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé " (Mt 3, 13-17). C’est la manifestation (" Épiphanie ") de Jésus comme Messie d’Israël et Fils de Dieu.
536. Le Baptême de Jésus, c’est, de sa part, l’acceptation et l’inauguration de sa mission de Serviteur souffrant. Il se laisse compter parmi les pécheurs (cf. Is 53, 12) ; il est déjà " l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde " (Jn 1, 29) ; déjà, il anticipe le " baptême " de sa mort sanglante (cf. Mc 10, 38 ; Lc 12, 50). Il vient déjà " accomplir toute justice " (Mt 3, 15), c’est-à-dire qu’il se soumet tout entier à la volonté de son Père : il accepte par amour le baptême de mort pour la rémission de nos péchés (cf. Mt 26, 39). A cette acceptation répond la voix du Père qui met toute sa complaisance en son Fils (cf. Lc 3, 22 ; Is 42, 1). L’Esprit que Jésus possède en plénitude dès sa conception, vient " reposer " sur lui (Jn 1, 32-33 ; cf. Is 11, 2). Il en sera la source pour toute l’humanité. A son Baptême, " les cieux s’ouvrirent " (Mt 3, 16) que le péché d’Adam avait fermés ; et les eaux sont sanctifiées par la descente de Jésus et de l’Esprit, prélude de la création nouvelle.
537. Par le Baptême, le chrétien est sacramentellement assimilé à Jésus qui anticipe en son baptême sa mort et sa résurrection ; il doit entrer dans ce mystère d’abaissement humble et de repentance, descendre dans l’eau avec Jésus, pour remonter avec lui, renaître de l’eau et de l’Esprit pour devenir, dans le Fils, fils bien-aimé du Père et " vivre dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4) :
Ensevelissons-nous avec le Christ par le Baptême, pour ressusciter avec lui ; descendons avec lui, pour être élevés avec lui ; remontons avec lui, pour être glorifiés en lui (S. Grégoire de Naz., or. 40, 9 : PG 36, 369B).
Tout ce qui s’est passé dans le Christ nous fait connaître qu’après le bain d’eau, l’Esprit Saint vole sur nous du haut du ciel et qu’adoptés par la Voix du Père, nous devenons fils de Dieu (S. Hilaire, Mat. 2 : PL 9, 927).
538. Les Évangiles parlent d’un temps de solitude de Jésus au désert immédiatement après son baptême par Jean : " Poussé par l’Esprit " au désert, Jésus y demeure quarante jours sans manger ; il vit avec les bêtes sauvages et les anges le servent (cf. Mc 1, 12-13). A la fin de ce temps, Satan le tente par trois fois cherchant à mettre en cause son attitude filiale envers Dieu. Jésus repousse ces attaques qui récapitulent les tentations d’Adam au Paradis et d’Israël au désert, et le diable s’éloigne de lui " pour revenir au temps marqué " (Lc 4, 13).
539. Les Évangélistes indiquent le sens salvifique de cet événement mystérieux. Jésus est le nouvel Adam, resté fidèle là où le premier a succombé à la tentation. Jésus accomplit parfaitement la vocation d’Israël : contrairement à ceux qui provoquèrent jadis Dieu pendant quarante ans au désert (cf. Ps 95, 10), le Christ se révèle comme le Serviteur de Dieu totalement obéissant à la volonté divine. En cela, Jésus est vainqueur du diable : il a " ligoté l’homme fort " pour lui reprendre son butin (Mc 3, 27). La victoire de Jésus sur le tentateur au désert anticipe la victoire de la passion, obéissance suprême de son amour filial du Père.
540. La tentation de Jésus manifeste la manière qu’a le Fils de Dieu d’être Messie, à l’opposé de celle que lui propose Satan et que les hommes (cf. Mt 16, 21-23) désirent lui attribuer. C’est pourquoi le Christ a vaincu le Tentateur pour nous : " Car nous n’avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d’une manière semblable, à l’exception du péché " (He 4, 15). L’Église s’unit chaque année par les quarante jours du Grand Carême au mystère de Jésus au désert.
541. " Le Royaume de Dieu est tout proche "
" Après que Jean eut été livré, Jésus se rendit en Galilée. Il y proclamait en ces termes la Bonne Nouvelle venue de Dieu : ‘Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle’ " (Mc 1, 15). " Pour accomplir la volonté du Père, le Christ inaugura le Royaume des cieux sur la terre " (LG 3). Or, la volonté du Père, c’est d’" élever les hommes à la communion de la vie divine " (LG 2). Il le fait en rassemblant les hommes autour de son Fils, Jésus-Christ. Ce rassemblement est l’Église, qui est sur terre " le germe et le commencement du Royaume de Dieu " (LG 5).
542. Le Christ est au cœur de ce rassemblement des hommes dans la " famille de Dieu ". Il les convoque autour de lui par sa parole, par ses signes qui manifestent le règne de Dieu, par l’envoi de ses disciples. Il réalisera la venue de son Royaume surtout par le grand mystère de sa Pâque : sa mort sur la Croix et sa Résurrection. " Et moi, élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi " (Jn 12, 32). A cette union avec le Christ tous les hommes sont appelés (cf. LG 3).
543. Tous les hommes sont appelés à entrer dans le Royaume. Annoncé d’abord aux enfants d’Israël (cf. Mt 10, 5-7), ce Royaume messianique est destiné à accueillir les hommes de toutes les nations (cf. Mt 8, 11 ; 28, 19). Pour y accéder, il faut accueillir la parole de Jésus :
La parole du Seigneur est en effet comparée à une semence qu’on sème dans un champ : ceux qui l’écoutent avec foi et sont agrégés au petit troupeau du Christ ont accueilli son royaume lui-même ; puis, par sa propre vertu, la semence croît jusqu’au temps de la moisson (LG 5).
544. Le Royaume appartient aux pauvres et aux petits, c’est-à-dire à ceux qui l’ont accueilli avec un cœur humble. Jésus est envoyé pour " porter la bonne nouvelle aux pauvres " (Lc 4, 18 ; cf. 7, 22). Il les déclare bienheureux car " le Royaume des cieux est à eux " (Mt 5, 3) ; c’est aux " petits " que le Père a daigné révéler ce qui reste caché aux sages et aux habiles (cf. Mt 11, 25). Jésus partage la vie des pauvres, de la crèche à la croix ; il connaît la faim (cf. Mc 2, 23-26 ; Mt 21, 18), la soif (cf. Jn 4, 6-7 ; 19, 28) et le dénuement (cf. Lc 9, 58). Plus encore : il s’identifie aux pauvres de toutes sortes et fait de l’amour actif envers eux la condition de l’entrée dans son Royaume (cf. Mt 25, 31-46).
545. Jésus invite les pécheurs à la table du Royaume : " Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs " (Mc 2, 17 ; cf. 1 Tm 1, 15). Il les invite à la conversion sans laquelle on ne peut entrer dans le Royaume, mais il leur montre en parole et en acte la miséricorde sans bornes de son Père pour eux (cf. Lc 15, 11-32) et l’immense " joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent " (Lc 15, 7). La preuve suprême de cet amour sera le sacrifice de sa propre vie " en rémission des péchés " (Mt 26, 28).
546. Jésus appelle à entrer dans le Royaume à travers les paraboles, trait typique de son enseignement (cf. Mc 4, 33-34). Par elles, il invite au festin du Royaume (cf. Mt 22, 1-14), mais il demande aussi un choix radical : pour acquérir le Royaume, il faut tout donner (cf. Mt 13, 44-45) ; les paroles ne suffisent pas, il faut des actes (cf. Mt 21, 28-32). Les paraboles sont comme des miroirs pour l’homme : accueille-t-il la parole comme un sol dur ou comme une bonne terre (cf. Mt 13, 3-9) ? Que fait-il des talents reçus (cf. Mt 25, 14-30) ? Jésus et la présence du Royaume en ce monde sont secrètement au cœur des paraboles. Il faut entrer dans le Royaume, c’est-à-dire devenir disciple du Christ pour " connaître les mystères du Royaume des cieux " (Mt 13, 11). Pour ceux qui restent " dehors " (Mc 4, 11), tout demeure énigmatique (cf. Mt 13, 10-15).
554. Un avant-goût du Royaume : La Transfiguration
A partir du jour où Pierre a confessé que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, le Maître " commença de montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, y souffrir (...) être mis à mort et, le troisième jour, ressusciter " (Mt 16, 21) : Pierre refuse cette annonce (cf. Mt 16, 22-23), les autres ne la comprennent pas davantage (cf. Mt 17, 23 ; Lc 9, 45). C’est dans ce contexte que se situe l’épisode mystérieux de la Transfiguration de Jésus (cf. Mt 17, 1-8 par. ; 2 P 1, 16-18), sur une haute montagne, devant trois témoins choisis par lui : Pierre, Jacques et Jean. Le visage et les vêtements de Jésus deviennent fulgurants de lumière, Moïse et Elie apparaissent, lui " parlant de son départ qu’il allait accomplir à Jérusalem " (Lc 9, 31). Une nuée les couvre et une voix du ciel dit : " Celui-ci est mon Fils, mon Élu ; écoutez-le " (Lc 9, 35).
555. Pour un instant, Jésus montre sa gloire divine, confirmant ainsi la confession de Pierre. Il montre aussi que, pour " entrer dans sa gloire " (Lc 24, 26), il doit passer par la Croix à Jérusalem. Moïse et Elie avaient vu la gloire de Dieu sur la Montagne ; la Loi et les prophètes avaient annoncé les souffrances du Messie (cf. Lc 24, 27). La passion de Jésus est bien la volonté du Père : le Fils agit en Serviteur de Dieu (cf. Is 42, 1). La nuée indique la présence de l’Esprit Saint : " Toute la Trinité apparut : le Père dans la voix, le Fils dans l’homme, l’Esprit dans la nuée lumineuse " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 45, 4, ad 2) :
Tu t’es transfiguré sur la montagne, et, autant qu’ils en étaient capables, tes disciples ont contemplé ta Gloire, Christ Dieu afin que lorsqu’ils Te verraient crucifié, ils comprennent que ta passion était volontaire et qu’ils annoncent au monde que Tu es vraiment le rayonnement du Père (Liturgie byzantine, Kontakion de la fête de la Transfiguration).
556. Au seuil de la vie publique : le Baptême ; au seuil de la Pâque : la Transfiguration. Par le Baptême de Jésus " fut manifesté le mystère de notre première régénération " : notre Baptême ; la Transfiguration " est le sacrement de la seconde régénération " : notre propre résurrection (S. Thomas d’A., s. th. 3, 45, 4, ad 2). Dès maintenant nous participons à la Résurrection du Seigneur par l’Esprit Saint qui agit dans les sacrements du Corps du Christ. La Transfiguration nous donne un avant-goût de la glorieuse venue du Christ " qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire " (Ph 3, 21). Mais elle nous rappelle aussi qu’" il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu " (Ac 14, 22) :
Cela Pierre ne l’avait pas encore compris quand il désirait vivre avec le Christ sur la montagne (cf. Lc 9, 33). Il t’a réservé cela, Pierre, pour après la mort. Mais maintenant il dit lui-même : Descend pour peiner sur la terre, pour servir sur la terre, pour être méprisé, crucifié sur la terre. La Vie descend pour se faire tuer ; le Pain descend pour avoir faim ; la Voie descend, pour se fatiguer en chemin ; la Source descend, pour avoir soif ; et tu refuses de peiner ? (S. Augustin, serm. 78, 6 : PL 38, 492-493).
583. Jésus, comme les prophètes avant lui, a professé pour le Temple de Jérusalem le plus profond respect. Il y a été présenté par Joseph et Marie quarante jours après sa naissance (cf. Lc 2, 22-39). A l’âge de douze ans, il décide de rester dans le Temple pour rappeler à ses parents qu’il se doit aux affaires de son Père (cf. Lc 2, 46-49). Il y est monté chaque année au moins pour la Pâque pendant sa vie cachée (cf. Lc 2, 41) ; son ministère public lui-même a été rythmé par ses pèlerinages à Jérusalem pour les grandes fêtes juives (cf. Jn 2, 13-14 ; 5, 1. 14 ; 7, 1. 10. 14 ; 8, 2 ; 10, 22-23).
584. Jésus est monté au Temple comme au lieu privilégié de la rencontre de Dieu. Le Temple est pour lui la demeure de son Père, une maison de prière, et il s’indigne de ce que son parvis extérieur soit devenu un lieu de trafic (cf. Mt 21, 13). S’il chasse les marchands du Temple, c’est par amour jaloux pour son Père : " Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce. Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : ‘Le zèle pour ta maison me dévorera’ (Ps 69, 10) " (Jn 2, 16-17). Après sa Résurrection, les apôtres ont gardé un respect religieux pour le Temple (cf. Ac 2, 46 ; 3, 1 ; 5, 20. 21 ; etc.).
585. Au seuil de sa passion, Jésus a cependant annoncé la ruine de ce splendide édifice dont il ne restera plus pierre sur pierre (cf. Mt 24, 1-2). Il y a ici annonce d’un signe des derniers temps qui vont s’ouvrir avec sa propre Pâque (cf. Mt 24, 3 ; Lc 13, 35). Mais cette prophétie a pu être rapportée de manière déformée par de faux témoins lors de son interrogatoire chez le grand prêtre (cf. Mc 14, 57-58) et lui être renvoyée comme injure lorsqu’il était cloué sur la croix (cf. Mt 27, 39-40).
586. Loin d’avoir été hostile au Temple (cf. Mt 8, 4 ; 23, 21 ; Lc 17, 14 ; Jn 4, 22) où il a donné l’essentiel de son enseignement (cf. Jn 18, 20), Jésus a voulu payer l’impôt du Temple en s’associant Pierre (cf. Mt 17, 24-27) qu’il venait de poser comme fondement pour son Église à venir (cf. Mt 16, 18). Plus encore, il s’est identifié au Temple en se présentant comme la demeure définitive de Dieu parmi les hommes (cf. Jn 2, 21 ; Mt 12, 6). C’est pourquoi sa mise à mort corporelle (cf. Jn 2, 18-22) annonce la destruction du Temple qui manifestera l’entrée dans un nouvel âge de l’histoire du salut : " L’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père " (Jn 4, 21 ; cf. Jn 4, 23-24 ; Mt 27, 51 ; He 9, 11 ; Ap 21, 22).
III. Jésus et la foi d’Israël au Dieu Unique et Sauveur
599. II. La mort rédemptrice du Christ dans le dessein divin de salut
" Jésus livré selon le dessein bien arrêté de Dieu "
La mort violente de Jésus n’a pas été le fruit du hasard dans un concours malheureux de circonstances. Elle appartient au mystère du dessein de Dieu, comme S. Pierre l’explique aux Juifs de Jérusalem dès son premier discours de Pentecôte : " Il avait été livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu " (Ac 2, 23). Ce langage biblique ne signifie pas que ceux qui ont " livré Jésus " (Ac 3, 13) n’ont été que les exécutants passifs d’un scénario écrit d’avance par Dieu.
600. A Dieu tous les moments du temps sont présents dans leur actualité. Il établit donc son dessein éternel de " prédestination " en y incluant la réponse libre de chaque homme à sa grâce : " Oui, vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate avec les nations païennes et les peuples d’Israël (cf. Ps 2, 1-2), de telle sorte qu’ils ont accompli tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais prédestiné " (Ac 4, 27-28). Dieu a permis les actes issus de leur aveuglement (cf. Mt 26, 54 ; Jn 18, 36 ; 19, 11) en vue d’accomplir son dessein de salut (cf. Ac 3, 17-18).
601. " Mort pour nos péchés selon les Écritures "
Ce dessein divin de salut par la mise à mort du " Serviteur, le Juste " (Is 53, 11 ; cf. Ac 3, 14) avait été annoncé par avance dans l’Écriture comme un mystère de rédemption universelle, c’est-à-dire de rachat qui libère les hommes de l’esclavage du péché (cf. Is 53, 11-12 ; Jn 8, 34-36). S. Paul professe, dans une confession de foi qu’il dit avoir " reçue " (1 Co 15, 3) que " le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures " (ibidem ; cf. aussi Ac 3, 18 ; 7, 52 ; 13, 29 ; 26, 22-23). La mort rédemptrice de Jésus accomplit en particulier la prophétie du Serviteur souffrant (cf. Is 53, 7-8 et Ac 8, 32-35). Jésus lui-même a présenté le sens de sa vie et de sa mort à la lumière du Serviteur souffrant (cf. Mt 20, 28). Après sa Résurrection, il a donné cette interprétation des Écritures aux disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 25-27), puis aux apôtres eux-mêmes (cf. Lc 24, 44-45).
602. " Dieu l’a fait péché pour nous "
S. Pierre peut en conséquence formuler ainsi la foi apostolique dans le dessein divin de salut : " Vous avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères par un sang précieux, comme d’un agneau sans reproche et sans tache, le Christ, discerné avant la fondation du monde et manifesté dans les derniers temps à cause de vous " (1 P 1, 18-20). Les péchés des hommes, consécutifs au péché originel, sont sanctionnés par la mort (cf. Rm 5, 12 ; 1 Co 15, 56). En envoyant son propre Fils dans la condition d’esclave (cf. Ph 2, 7), celle d’une humanité déchue et vouée à la mort à cause du péché (cf. Rm 8, 3), " Dieu l’a fait péché pour nous, lui qui n’avait pas connu le péché, afin qu’en lui nous devenions justice pour Dieu " (2 Co 5, 21).
603. Jésus n’a pas connu la réprobation comme s’il avait lui-même péché (cf. Jn 8, 46). Mais dans l’amour rédempteur qui l’unissait toujours au Père (cf. Jn 8, 29), il nous a assumé dans l’égarement de notre péché par rapport à Dieu au point de pouvoir dire en notre nom sur la croix : " Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné " (Mc 15, 34 ; Ps 22, 1). L’ayant rendu ainsi solidaire de nous pécheurs, " Dieu n’a pas épargné son propre Fils mais l’a livré pour nous tous " (Rm 8, 32) pour que nous soyons " réconciliés avec Lui par la mort de son Fils " (Rm 5, 10).
604. Dieu a l’initiative de l’amour rédempteur universel
En livrant son Fils pour nos péchés, Dieu manifeste que son dessein sur nous est un dessein d’amour bienveillant qui précède tout mérite de notre part : " En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10 ; cf. 4, 19). " La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous " (Rm 5, 8).
605. Cet amour est sans exclusion Jésus l’a rappelé en conclusion de la parabole de la brebis perdue : " Ainsi on ne veut pas, chez votre Père qui est aux cieux, qu’un seul de ses petits ne se perde " (Mt 18, 14). Il affirme " donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28) ; ce dernier terme n’est pas restrictif : il oppose l’ensemble de l’humanité à l’unique personne du Rédempteur qui se livre pour la sauver (cf. Rm 5, 18-19). L’Église, à la suite des apôtres (cf. 2 Co 5, 15 ; 1 Jn 2, 2), enseigne que le Christ est mort pour tous les hommes sans exception : " Il n’y a, il n’y a eu et il n’y aura aucun homme pour qui le Christ n’ait pas souffert " (Cc. Quiercy en 853 : DS 624).
606. III. Le Christ s’est offert lui-même à son Père pour nos péchés
Toute la vie du Christ est offrande au Père
Le Fils de Dieu, " descendu du ciel non pour faire sa volonté mais celle de son Père qui l’a envoyé " (Jn 6, 38), " dit en entrant dans le monde : (...) Voici je viens (...) pour faire ô Dieu ta volonté. (...) C’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l’oblation du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes " (He 10, 5-10). Dès le premier instant de son Incarnation, le Fils épouse le dessein de salut divin dans sa mission rédemptrice : " Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin " (Jn 4, 34). Le sacrifice de Jésus " pour les péchés du monde entier " (1 Jn 2, 2) est l’expression de sa communion d’amour au Père : " Le Père m’aime parce que je donne ma vie " (Jn 10, 17). " Il faut que le monde sache que j’aime le Père et que je fais comme le Père m’a commandé " (Jn 14, 31).
607. Ce désir d’épouser le dessein d’amour rédempteur de son Père anime toute la vie de Jésus (cf. Lc 12, 50 ; 22, 15 ; Mt 16, 21-23) car sa passion rédemptrice est la raison d’être de son Incarnation : " Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure " (Jn 12, 27). " La coupe que m’a donnée le Père ne la boirai-je pas ? " (Jn 18, 11). Et encore sur la croix avant que " tout soit accompli " (Jn 19, 30), il dit : " J’ai soif " (Jn 19, 28).
608. " L’Agneau qui enlève le péché du monde "
Après avoir accepté de Lui donner le Baptême à la suite des pécheurs (cf. Lc 3, 21 ; Mt 3, 14-15), Jean-Baptiste a vu et montré en Jésus l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde (cf. Jn 1, 29. 36). Il manifeste ainsi que Jésus est à la fois le Serviteur souffrant qui, silencieux, se laisse mener à l’abattoir (cf. Is 53, 7 ; Jr 11, 19) et porte le péché des multitudes (cf. Is 53, 12), et l’agneau Pascal symbole de la rédemption d’Israël lors de la première Pâque (cf. Ex 12, 3-14 ; Jn 19, 36 ; 1 Co 5, 7). Toute la vie du Christ exprime sa mission : servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (cf. Mc 10, 45).
609. Jésus épouse librement l’amour rédempteur du Père
En épousant dans son cœur humain l’amour du Père pour les hommes, Jésus " les a aimés jusqu’à la fin " (Jn 13, 1) " car il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime " (Jn 15, 13). Ainsi dans la souffrance et dans la mort, son humanité est devenue l’instrument libre et parfait de son amour divin qui veut le salut des hommes (cf. He 2, 10. 17-18 ; 4, 15 ; 5, 7-9). En effet, il a librement accepté sa passion et sa mort par amour de son Père et des hommes que Celui-ci veut sauver : " Personne ne m’enlève la vie, mais je la donne de moi-même " (Jn 10, 18). D’où la souveraine liberté du Fils de Dieu quand il va lui-même vers la mort (cf. Jn 18, 4-6 ; Mt 26, 53).
612. La coupe de la Nouvelle Alliance, que Jésus a anticipée à la Cène en s’offrant lui-même (cf. Lc 22, 20), il l’accepte ensuite des mains du Père dans son agonie à Gethsémani (cf. Mt 26, 42) en se faisant " obéissant jusqu’à la mort " (Ph 2, 8 ; cf. He 5, 7-8). Jésus prie : " Mon Père, s’il est possible que cette coupe passe loin de moi... " (Mt 26, 39). Il exprime ainsi l’horreur que représente la mort pour sa nature humaine. En effet celle-ci, comme la nôtre, est destinée à la vie éternelle ; en plus, à la différence de la nôtre, elle est parfaitement exempte du péché (cf. He 4, 15) qui cause la mort (cf. Rm 5, 12) ; mais surtout elle est assumée par la personne divine du " Prince de la Vie " (Ac 3, 15), du " Vivant " (Ap 1, 17 ; cf. Jn 1, 4 ; 5, 26). En acceptant dans sa volonté humaine que la volonté du Père soit faite (cf. Mt 26, 42), il accepte sa mort en tant que rédemptrice pour " porter lui-même nos fautes dans son corps sur le bois " (1 P 2, 24).
613. La mort du Christ est le sacrifice unique et définitif
La mort du Christ est à la fois le sacrifice Pascal qui accomplit la rédemption définitive des hommes (cf. 1 Co 5, 7 ; Jn 8, 34-36) par l’Agneau qui porte le péché du monde (cf. Jn 1, 29 ; 1 P 1, 19) et le sacrifice de la Nouvelle Alliance (cf. 1 Co 11, 25) qui remet l’homme en communion avec Dieu (cf. Ex 24, 8) en le réconciliant avec Lui par le sang répandu pour la multitude en rémission des péchés (cf. Mt 26, 28 ; Lv 16, 15-16).
614. Ce sacrifice du Christ est unique, il achève et dépasse tous les sacrifices (cf. He 10, 10). Il est d’abord un don de Dieu le Père lui-même : c’est le Père qui livre son Fils pour nous réconcilier avec lui (cf. 1 Jn 4, 10). Il est en même temps offrande du Fils de Dieu fait homme qui, librement et par amour (cf. Jn 15, 13), offre sa vie (cf. Jn 10, 17-18) à son Père par l’Esprit Saint (cf. He 9, 14), pour réparer notre désobéissance.
615. Jésus substitue son obéissance à notre désobéissance
" Comme par la désobéissance d’un seul la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera constituée juste " (Rm 5, 19). Par son obéissance jusqu’à la mort, Jésus a accompli la substitution du Serviteur souffrant qui " offre sa vie en sacrifice expiatoire ", " alors qu’il portait le péché des multitudes " " qu’il justifie en s’accablant lui-même de leurs fautes " (Is 53, 10-12). Jésus a réparé pour nos fautes et satisfait au Père pour nos péchés (cf. Cc. Trente : DS 1529).
616. Sur la croix, Jésus consomme son sacrifice
C’est " l’amour jusqu’à la fin " (Jn 13, 1) qui confère sa valeur de rédemption et de réparation, d’expiation et de satisfaction au sacrifice du Christ. Il nous a tous connus et aimés dans l’offrande de sa vie (cf. Ga 2, 20 ; Ep 5, 2. 25). " L’amour du Christ nous presse, à la pensée que, si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts " (2 Co 5, 14). Aucun homme, fût-il le plus saint, n’était en mesure de prendre sur lui les péchés de tous les hommes et de s’offrir en sacrifice pour tous. L’existence dans le Christ de la Personne divine du Fils, qui dépasse et, en même temps, embrasse toutes les personnes humaines, et qui le constitue Tête de toute l’humanité, rend possible son sacrifice rédempteur pour tous.
617. " Par sa sainte passion, sur le bois de la Croix, Il nous a mérité la justification " enseigne le Concile de Trente (DS 1529) : soulignant le caractère unique du sacrifice du Christ comme " principe de salut éternel " (He 5, 9). Et l’Église vénère la Croix en chantant : " Salut, O Croix, notre unique espérance " (Hymne " Vexilla Regis ").
648. II. La Résurrection – œuvre de la Sainte Trinité
La Résurrection du Christ est objet de foi en tant qu’elle est une intervention transcendante de Dieu lui-même dans la création et dans l’histoire. En elle, les trois Personnes divines à la fois agissent ensemble et manifestent leur originalité propre. Elle s’est fait par la puissance du Père qui " a ressuscité " (cf. Ac 2, 24) le Christ, son Fils, et a de cette façon introduit de manière parfaite son humanité – avec son corps – dans la Trinité. Jésus est définitivement révélé " Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit, par sa Résurrection d’entre les morts " (Rm 1, 3-4). S. Paul insiste sur la manifestation de la puissance de Dieu (cf. Rm 6, 4 ; 2 Co 13, 4 ; Ph 3, 10 ; Ep 1, 19-22 ; He 7, 16) par l’œuvre de l’Esprit qui a vivifié l’humanité morte de Jésus et l’a appelée à l’état glorieux de Seigneur.
649. Quant au Fils, il opère sa propre Résurrection en vertu de sa puissance divine. Jésus annonce que le Fils de l’homme devra beaucoup souffrir, mourir, et ensuite ressusciter (sens actif du mot) (cf. Mc 8, 31 ; 9, 9-31 ; 10, 34). Ailleurs, il affirme explicitement : " Je donne ma vie pour la reprendre. (...) J’ai pouvoir de la donner et pouvoir de la reprendre " (Jn 10, 17-18). " Nous croyons (...) que Jésus est mort, puis est ressuscité " (1 Th 4, 14).
650. Les Pères contemplent la Résurrection à partir de la personne divine du Christ qui est restée unie à son âme et à son corps séparés entre eux par la mort : " Par l’unité de la nature divine qui demeure présente dans chacune des deux parties de l’homme, celles-ci s’unissent à nouveau. Ainsi la mort se produit par la séparation du composé humain, et la Résurrection par l’union des deux parties séparées " (S. Grégoire de Nysse, res. 1 : PG 46, 617B) ; cf. aussi DS 325 ; 359 ; 369 ; 539).
659. il siège à la droite de Dieu, le Père tout-puissant "
" Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il s’assit à la droite de Dieu " (Mc 16, 19). Le Corps du Christ a été glorifiée dès l’instant de sa Résurrection comme le prouvent les propriétés nouvelles et surnaturelles dont jouit désormais son corps en permanence (cf. Lc 24, 31 ; Jn 20, 19. 26). Mais pendant les quarante jours où il va manger et boire familièrement avec ses disciples (cf. Ac 10, 41) et les instruire sur le Royaume (cf. Ac 1, 3), sa gloire reste encore voilée sous les traits d’une humanité ordinaire (cf. Mc 16, 12 ; Lc 24, 15 ; Jn 20, 14-15 ; 21, 4). La dernière apparition de Jésus se termine par l’entrée irréversible de son humanité dans la gloire divine symbolisée par la nuée (cf. Ac 1, 9 ; cf. aussi Lc 9, 34-35 ; Ex 13, 22) et par le ciel (cf. Lc 24, 51) où il siège désormais à la droite de Dieu (cf. Mc 16, 19 ; Ac 2, 33 ; 7, 56 ; cf. aussi Ps 110, 1). Ce n’est que de manière tout à fait exceptionnelle et unique qu’il se montrera à Paul " comme à l’avorton " (1 Co 15, 8) en une dernière apparition qui le constitue apôtre (cf. 1 Co 9, 1 ; Ga 1, 16).
660. Le caractère voilé de la gloire du Ressuscité pendant ce temps transparaît dans sa parole mystérieuse à Marie-Madeleine : " Je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va vers mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu " (Jn 20, 17). Ceci indique une différence de manifestation entre la gloire du Christ ressuscité et celle du Christ exalté à la droite du Père. L’événement à la fois historique et transcendant de l’Ascension marque la transition de l’une à l’autre.
661. Cette dernière étape demeure étroitement unie à la première, c’est-à-dire à la descente du ciel réalisée dans l’Incarnation. Seul celui qui est " sorti du Père " peut " retourner au Père " : le Christ (cf. Jn 16, 28). " Personne n’est jamais monté aux cieux sinon le Fils de l’Homme qui est descendu des cieux " (Jn 3, 13 ; cf. Ep 4, 8-10). Laissée à ses forces naturelles, l’humanité n’a pas accès à la " Maison du Père " (Jn 14, 2), à la vie et à la félicité de Dieu. Le Christ seul a pu ouvrir cet accès à l’homme, " de sorte que nous, ses membres, nous ayons l’espérance de le rejoindre là où Lui, notre Tête et notre Principe, nous a précédés " (MR, Préface de l’Ascension)
662. " Moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi " (Jn 12, 32). L’élévation sur la Croix signifie et annonce l’élévation de l’Ascension au ciel. Elle en est le début. Jésus-Christ, l’unique Prêtre de l’Alliance nouvelle et éternelle, n’est pas " entré dans un sanctuaire fait de mains d’hommes (...) mais dans le ciel, afin de paraître maintenant à la face de Dieu en notre faveur " (He 7, 24). Au ciel le Christ exerce en permanence son sacerdoce, " étant toujours vivant pour intercéder en faveur de ceux qui par lui s’avancent vers Dieu " (He 9, 25). Comme " grand prêtre des biens à venir " (He 9, 11), il est le centre et l’acteur principal de la liturgie qui honore le Père dans les cieux (cf. Ap 4, 6-11).
663. Le Christ, désormais, siège à la droite du Père : : " Par droite du Père nous entendons la gloire et l’honneur de la divinité, où celui qui existait comme Fils de Dieu avant tous les siècles comme Dieu et consubstantiel au Père, s’est assis corporellement après qu’il s’est incarné et que sa chair a été glorifiée " (S. Jean Damascène, f. o. 4, 2 : PG 94, 1104C).
664. La session à la droite du Père signifie l’inauguration du règne du Messie, accomplissement de la vision du prophète Daniel concernant le Fils de l’homme : " A lui fut conféré empire, honneur et royaume, et tous les peuples, nations et langues le servirent. Son empire est un empire à jamais, qui ne passera point et son royaume ne sera point détruit " (Dn 7, 14). A partir de ce moment, les apôtres sont devenus les témoins du " Règne qui n’aura pas de fin " (Symbole de Nicée-Constantinople).
683. " Nul ne peut appeler Jésus Seigneur sinon dans l’Esprit Saint " (1 Co 12, 3). " Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! " (Ga 4, 6). Cette connaissance de foi n’est possible que dans l’Esprit Saint. Pour être en contact avec le Christ, il faut d’abord avoir été touché par l’Esprit Saint. C’est lui qui vient au devant de nous, et suscite en nous la foi. De par notre Baptême, premier sacrement de la foi, la Vie, qui a sa source dans le Père et nous est offerte dans le Fils, nous est communiquée intimement et personnellement par l’Esprit Saint dans l’Église :
Le Baptême nous accorde la grâce de la nouvelle naissance en Dieu le Père par le moyen de son Fils dans l’Esprit Saint. Car ceux qui portent l’Esprit de Dieu sont conduits au Verbe, c’est-à-dire au Fils ; mais le Fils les présente au Père, et le Père leur procure l’incorruptibilité. Donc, sans l’Esprit, il n’est pas possible de voir le Fils de Dieu, et, sans le Fils, personne ne peut approcher du Père, car la connaissance du Père, c’est le Fils, et la connaissance du Fils de Dieu se fait par l’Esprit Saint (S. Irénée, dem. 7).
684. L’Esprit Saint par sa grâce, est premier dans l’éveil de notre foi et dans la vie nouvelle qui est de " connaître le Père et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ " (Jn 17, 3). Cependant il est dernier dans la révélation des Personnes de la Trinité Sainte. S. Grégoire de Nazianze, " le Théologien ", explique cette progression par la pédagogie de la " condescendance " divine :
L’Ancien Testament proclamait manifestement le Père, le Fils plus obscurément. Le Nouveau a manifesté le Fils, a fait entrevoir la divinité de l’Esprit. Maintenant l’Esprit a droit de cité parmi nous et nous accorde une vision plus claire de lui-même. En effet il n’était pas prudent, quand on ne confessait pas encore la divinité du Père, de proclamer ouvertement le Fils et, quand la divinité du Fils n’était pas encore admise, d’ajouter l’Esprit Saint comme un fardeau supplémentaire, pour employer une expression un peu hardie... C’est par des avances et des progressions " de gloire en gloire " que la lumière de la Trinité éclatera en plus brillantes clartés (S. Grégoire de Naz., or. theol. 5, 26 : PG 36, 161C).
685. Croire en l’Esprit Saint c’est donc professer que l’Esprit Saint est l’une des Personnes de la Trinité Sainte, consubstantielle au Père et au Fils, " adoré et glorifié avec le Père et le Fils " (Symbole de Nicée-Constantinople). C’est pourquoi il a été question du mystère divin de l’Esprit Saint dans la " théologie " trinitaire. Ici il ne s’agira donc de l’Esprit Saint que dans " l’économie " divine.
686. L’Esprit Saint est à l’œuvre avec le Père et le Fils du commencement à la consommation du dessein de notre salut. Mais c’est dans les " derniers temps ", inaugurés avec l’Incarnation rédemptrice du Fils, qu’Il est révélé et donné, reconnu et accueilli comme Personne. Alors ce dessein divin, achevé dans le Christ, " Premier-Né " et Tête de la nouvelle création, pourra prendre corps dans l’humanité par l’Esprit répandu : l’Église, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair, la vie éternelle.
687. " Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu " (1 Co 2, 11). Or, son Esprit qui le révèle nous fait connaître le Christ, son Verbe, sa Parole vivante, mais ne se dit pas lui-même. Celui qui " a parlé par les prophètes " nous fait entendre la Parole du Père. Mais lui, nous ne l’entendons pas. Nous ne le connaissons que dans le mouvement où il nous révèle le Verbe et nous dispose à L’accueillir dans la foi. L’Esprit de Vérité qui nous " dévoile " le Christ " ne parle pas de lui-même " (Jn 16, 13). Un tel effacement, proprement divin, explique pourquoi " le monde ne peut pas le recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le connaît ", tandis que ceux qui croient au Christ le connaissent parce qu’il demeure avec eux (Jn 14, 17).
688. L’Église, communion vivante dans la foi des apôtres qu’elle transmet, est le lieu de notre connaissance de l’Esprit Saint :
– dans les Écritures qu’Il a inspirées ;
– dans la Tradition, dont les Pères de l’Église sont les témoins toujours actuels ;
– dans le Magistère de l’Église qu’Il assiste ;
– dans la liturgie sacramentelle, à travers ses paroles et ses symboles, où l’Esprit Saint nous met en communion avec le Christ ;
– dans la prière dans laquelle Il intercède pour nous ;
– dans les charismes et les ministères par lesquels l’Église est édifiée ;
– dans les signes de vie apostolique et missionnaire ;
– dans le témoignage des saints où Il manifeste sa sainteté et continue l’œuvre du salut.
689. I. La mission conjointe du Fils et de l’Esprit
Celui que le Père a envoyé dans nos cœurs, l’Esprit de son Fils (cf. Ga 4, 6) est réellement Dieu. Consubstantiel au Père et au Fils, il en est inséparable, tant dans la Vie intime de la Trinité que dans son don d’amour pour le monde. Mais en adorant la Trinité Sainte, vivifiante, consubstantielle et indivisible, la foi de l’Église professe aussi la distinction des Personnes. Quand le Père envoie son Verbe, Il envoie toujours son Souffle : mission conjointe où le Fils et l’Esprit Saint sont distincts mais inséparables. Certes, c’est le Christ qui paraît, Lui, l’Image visible du Dieu invisible, mais c’est l’Esprit Saint qui Le révèle.
690. Jésus est Christ, " oint ", parce que l’Esprit en est l’Onction et tout ce qui advient à partir de l’Incarnation découle de cette plénitude (cf. Jn 3, 34). Quand enfin le Christ est glorifié (cf. Jn 7, 39), il peut à son tour, d’auprès du Père, envoyer l’Esprit à ceux qui croient en lui : il leur communique sa Gloire (cf. Jn 17, 22), c’est-à-dire l’Esprit Saint qui le glorifie (cf. Jn 16, 14). La mission conjointe se déploiera dès lors dans les enfants adoptés par le Père dans le Corps de son Fils : la mission de l’Esprit d’adoption sera de les unir au Christ et de les faire vivre en lui :
La notion de l’onction suggère (...) qu’il n’y a aucune distance entre le Fils et l’Esprit. En effet de même qu’entre la surface du corps et l’onction de l’huile ni la raison ni la sensation ne connaissent aucun intermédiaire, ainsi est immédiat le contact du Fils avec l’Esprit, si bien que pour celui qui va prendre contact avec le Fils par la foi, il est nécessaire de rencontrer d’abord l’huile par le contact. En effet il n’y a aucune partie qui soit nue de l’Esprit Saint. C’est pourquoi la confession de la Seigneurie du Fils se fait dans l’Esprit Saint pour ceux qui la reçoivent, l’Esprit venant de toutes parts au devant de ceux qui s’approchent par la foi (S. Grégoire de Nysse, Spir. 3, 1 : PG 45, 1321A-B).
782. Le Peuple de Dieu a des caractéristiques qui le distinguent nettement de tous les groupements religieux, ethniques, politiques ou culturels de l’histoire :
– Il est le Peuple de Dieu : Dieu n’appartient en propre à aucun peuple. Mais Il s’est acquis un peuple de ceux qui autrefois n’étaient pas un peuple : " une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte " (1 P 2, 9).
– On devient membre de ce Peuple non par la naissance physique, mais par la " naissance d’en haut ", " de l’eau et de l’Esprit " (Jn 3, 3-5), c’est-à-dire par la foi au Christ et le Baptême.
– Ce Peuple a pour Chef [Tête] Jésus le Christ [Oint, Messie] : parce que la même Onction, l’Esprit Saint, découle de la Tête dans le Corps, il est " le Peuple messianique ".
– " La condition de ce Peuple, c’est la dignité de la liberté des fils de Dieu : dans leurs cœurs, comme dans un temple, réside l’Esprit Saint ".
– " Sa loi, c’est le commandement nouveau d’aimer comme le Christ lui-même nous a aimés (cf. Jn 13, 34) ". C’est la loi " nouvelle " de l’Esprit Saint (Rm 8, 2 ; Ga 5, 25).
– Sa mission, c’est d’être le sel de la terre et la lumière du monde (cf. Mt 5, 13-16). " Il constitue pour tout le genre humain le germe le plus fort d’unité, d’espérance et de salut ".
– Sa destinée, enfin, c’est le Royaume de Dieu, commencé sur la terre par Dieu lui-même, Royaume qui doit se dilater de plus en plus, jusqu’à ce que, à la fin des temps, il soit achevé par Dieu lui-même " (LG 9).
1005. II. Mourir dans le Christ Jésus
Pour ressusciter avec le Christ, il faut mourir avec le Christ, il faut " quitter ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur " (2 Co 5, 8). Dans ce " départ " (Ph 1, 23) qu’est la mort, l’âme est séparée du corps. Elle sera réunie à son corps le jour de la résurrection des morts (cf. SPF 28).
1006. " C’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet " (GS 18). En un sens, la mort corporelle est naturelle, mais pour la foi elle est en fait " salaire du péché " (Rm 6, 23 ; cf. Gn 2, 17). Et pour ceux qui meurent dans la grâce du Christ, elle est une participation à la mort du Seigneur, afin de pouvoir participer aussi à sa Résurrection (cf. Rm 6, 3-9 ; Ph 3, 10-11).
1007. La mort est le terme de la vie terrestre. Nos vies sont mesurées par le temps, au cours duquel nous changeons, nous vieillissons et, comme chez tous les êtres vivants de la terre, la mort apparaît comme la fin normale de la vie. Cet aspect de la mort donne une urgence à nos vies : le souvenir de notre mortalité sert aussi à nous rappeler que nous n’avons qu’un temps limité pour réaliser notre vie :
Souviens-toi de ton Créateur aux jours de ton adolescence, (...) avant que la poussière ne retourne à la terre, selon qu’elle était, et que le souffle ne retourne à Dieu qui l’avait donné (Qo 12, 1. 7).
1008. La mort est conséquence du péché. Interprète authentique des affirmations de la Sainte Écriture (cf. Gn 2, 17 ; 3, 3 ; 3, 19 ; Sg 1, 13 ; Rm 5, 12 ; 6, 23) et de la Tradition, le Magistère de l’Église enseigne que la mort est entrée dans le monde à cause du péché de l’homme (cf. DS 1511). Bien que l’homme possédât une nature mortelle, Dieu le destinait à ne pas mourir. La mort fut donc contraire aux desseins de Dieu Créateur, et elle entra dans le monde comme conséquence du péché (cf. Sg 2, 23-24). " La mort corporelle, à laquelle l’homme aurait été soustrait s’il n’avait pas péché " (GS 18), est ainsi " le dernier ennemi " de l’homme à devoir être vaincu (cf. 1 Co 15, 26).
1009. La mort est transformée par le Christ. Jésus, le Fils de Dieu, a souffert lui aussi la mort, propre de la condition humaine. Mais, malgré son effroi face à elle (cf. Mc 14, 33-34 ; He 5, 7-8), il l’assuma dans un acte de soumission totale et libre à la volonté de son Père. L’obéissance de Jésus a transformé la malédiction de la mort en bénédiction (cf. Rm 5, 19-21).
1010. Grâce au Christ, la mort chrétienne a un sens positif. " Pour moi, la vie c’est le Christ et mourir un gain " (Ph 1, 21). " C’est là une parole certaine : si nous mourons avec lui, nous vivrons avec lui " (2 Tm 2, 11). La nouveauté essentielle de la mort chrétienne est là : par le Baptême, le chrétien est déjà sacramentellement " mort avec le Christ ", pour vivre d’une vie nouvelle ; et si nous mourons dans la grâce du Christ, la mort physique consomme ce " mourir avec le Christ " et achève ainsi notre incorporation à Lui dans son acte rédempteur :
Il est bon pour moi de mourir dans (eis) le Christ Jésus, plus que de régner sur les extrémités de la terre. C’est lui que je cherche, qui est mort pour nous ; lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche (...). Laissez-moi recevoir la pure lumière ; quand je serai arrivé là, je serai un homme (S. Ignace d’Antioche, Rom. 6, 1-2).
1011. Dans la mort, Dieu appelle l’homme vers Lui. C’est pourquoi le chrétien peut éprouver envers la mort un désir semblable à celui de S. Paul : " J’ai le désir de m’en aller et d’être avec le Christ " (Ph 1, 23) ; et il peut transformer sa propre mort en un acte d’obéissance et d’amour envers le Père, à l’exemple du Christ (cf. Lc 23, 46) :
Mon désir terrestre a été crucifié ; (...) il y a en moi une eau vive qui murmure et qui dit au dedans de moi " Viens vers le Père " (S. Ignace d’Antioche, Rom. 7, 2).
Je veux voir Dieu, et pour le voir il faut mourir (Ste. Thérèse de Jésus, vida 1).
Je ne meurs pas, j’entre dans la vie (Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, verba).
1012. La vision chrétienne de la mort (cf. 1 Th 4, 13-14) est exprimée de façon privilégiée dans la liturgie de l’Église :
Pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle est transformée ; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux (MR, Préface des défunts).
1013. La mort est la fin du pèlerinage terrestre de l’homme, du temps de grâce et de miséricorde que Dieu lui offre pour réaliser sa vie terrestre selon le dessein divin et pour décider son destin ultime. Quand a pris fin " l’unique cours de notre vie terrestre " (LG 48), nous ne reviendrons plus à d’autres vies terrestres. " Les hommes ne meurent qu’une fois " (He 9, 27). Il n’y a pas de " réincarnation " après la mort.
1014. L’Église nous encourage à nous préparer pour l’heure de notre mort (" Délivre-nous, Seigneur, d’une mort subite et imprévue " : ancienne Litanie des saints), à demander à la Mère de Dieu d’intercéder pour nous " à l’heure de notre mort " (Prière Ave Maria), et à nous confier à saint Joseph, patron de la bonne mort :
Dans toutes tes actions, dans toutes tes pensées tu devrais te comporter comme si tu devais mourir aujourd’hui. Si ta conscience était en bon état, tu ne craindrais pas beaucoup la mort. Il vaudrait mieux se garder de pécher que de fuir la mort. Si aujourd’hui tu n’es pas prêt, comment le seras-tu demain ? (Imitation du Christ 1, 23, 1).
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper. Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels, heureux ceux qu’elle trouvera dans ses très saintes volontés, car la seconde mort ne leur fera pas mal (S. François d’Assise, cant.).
1077. Le mystère pascal dans le temps de ÉGLISE
La Liturgie – œuvre de la Sainte Trinité
I. Le Père, Source et Fin de la Liturgie
" Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux Cieux, dans le Christ. C’est ainsi qu’il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus-Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé " (Ep 1, 3-6).
1078. Bénir est une action divine qui donne la vie et dont le Père est la source. Sa bénédiction est à la fois parole et don (bene-dictio, eu-logia). Appliquée à l’homme, ce terme signifiera l’adoration et la remise à son Créateur dans l’action de grâce.
1079. Du commencement jusqu’à la consommation des temps, toute l’œuvre de Dieu est bénédiction. Du poème liturgique de la première création aux cantiques de la Jérusalem céleste, les auteurs inspirés annoncent le Dessein du salut comme une immense bénédiction divine.
1080. Dès le commencement, Dieu bénit les êtres vivants, spécialement l’homme et la femme. L’alliance avec Noé et avec tous les êtres animés renouvelle cette bénédiction de fécondité, malgré le péché de l’homme par lequel le sol est " maudit ". Mais c’est à partir d’Abraham que la bénédiction divine pénètre l’histoire des hommes, qui allait vers la mort, pour la faire remonter à la vie, à sa source : par la foi du " père des croyants " qui accueille la bénédiction est inaugurée l’histoire du salut.
1081. Les bénédictions divines se manifestent en événements étonnants et sauveurs : la naissance d’Isaac, la sortie d’Égypte (Pâque et Exode), le don de la Terre promise, l’élection de David, la Présence de Dieu dans le temple, l’exil purificateur et le retour d’un " petit Reste ". La Loi, les Prophètes et les Psaumes qui tissent la liturgie du Peuple élu, à la fois rappellent ces bénédictions divines et y répondent par les bénédictions de louange et d’action de grâce.
1082. Dans la liturgie de l’Église, la bénédiction divine est pleinement révélée et communiquée : le Père est reconnu et adoré comme la Source et la Fin de toutes les bénédictions de la création et du salut ; dans Son Verbe, incarné, mort et ressuscité pour nous, il nous comble de Ses bénédictions, et par Lui il répand en nos cœurs le Don qui contient tous les dons : l’Esprit Saint.
1083. On comprend alors la double dimension de la Liturgie chrétienne comme réponse de foi et d’amour aux " bénédictions spirituelles " dont le Père nous gratifie. D’une part, l’Église, unie à son Seigneur et " sous l’action de l’Esprit Saint " (Lc 10, 21), bénit le Père " pour son Don ineffable " (2 Co 9, 15) par l’adoration, la louange et l’action de grâces. D’autre part, et jusqu’à la consommation du Dessein de Dieu, l’Église ne cesse d’offrir au Père " l’offrande de ses propres dons " et de l’implorer d’envoyer l’Esprit Saint sur celle-ci, sur elle-même, sur les fidèles et sur le monde entier, afin que par la communion à la mort et à la résurrection du Christ-Prêtre et par la puissance de l’Esprit, ces bénédictions divines portent des fruits de vie " à la louange de gloire de sa grâce " (Ep 1, 6).
1362. Le mémorial sacrificiel du Christ et de son Corps, l’Église
L’Eucharistie est le mémorial de la Pâque du Christ, l’actualisation et l’offrande sacramentelle de son unique sacrifice, dans la liturgie de l’Église qui est son Corps. Dans toutes les prières eucharistiques nous trouvons, après les paroles de l’institution, une prière appelée anamnèse ou mémorial.
1363. Dans le sens de l’Écriture Sainte le mémorial n’est pas seulement le souvenir des événements du passé, mais la proclamation des merveilles que Dieu a accomplies pour les hommes (cf. Ex 13, 3). Dans la célébration liturgique de ces événements, ils deviennent d’une certaine façon présents et actuels. C’est de cette manière qu’Israël comprend sa libération d’Égypte : chaque fois qu’est célébrée la pâque, les événements de l’Exode sont rendus présents à la mémoire des croyants afin qu’ils y conforment leur vie.
1364. Le mémorial reçoit un sens nouveau dans le Nouveau Testament. Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, elle fait mémoire de la Pâque du Christ, et celle-ci devient présente : le sacrifice que le Christ a offert une fois pour toutes sur la Croix demeure toujours actuel (cf. He 7, 25-27) : " Toutes les fois que le sacrifice de la croix par lequel le Christ notre pâque a été immolé se célèbre sur l’autel, l’œuvre de notre rédemption s’opère " (LG 3).
1365. Parce qu’elle est mémorial de la Pâque du Christ, l’Eucharistie est aussi un sacrifice. Le caractère sacrificiel de l’Eucharistie est manifesté dans les paroles mêmes de l’institution : " Ceci est mon Corps qui va être donné pour vous " et " Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon Sang, qui va être versé pour vous " (Lc 22, 19-20). Dans l’Eucharistie le Christ donne ce corps même qu’il a livré pour nous sur la croix, le sang même qu’il a " répandu pour une multitude en rémission des péchés " (Mt 26, 28).
1366. L’Eucharistie est donc un sacrifice parce qu’elle représente (rend présent) le sacrifice de la croix, parce qu’elle en est le mémorial et parce qu’elle en applique le fruit :
[Le Christ] notre Dieu et Seigneur, s’offrit lui-même à Dieu le Père une fois pour toutes, mourant en intercesseur sur l’autel de la Croix, afin de réaliser pour eux (les hommes) une rédemption éternelle. Cependant, comme sa mort ne devait pas mettre fin à son sacerdoce (He 7, 24. 27), à la dernière Cène, " la nuit où il fut livré " (1 Co 11, 13), il voulait laisser à l’Église, son épouse bien-aimée, un sacrifice visible (comme le réclame la nature humaine), où serait représenté le sacrifice sanglant qui allait s’accomplir une unique fois sur la croix, dont la mémoire se perpétuerait jusqu’à la fin des siècles (1 Co 11, 23) et dont la vertu salutaire s’appliquerait à la rédemption des péchés que nous commettons chaque jour (Cc. Trente : DS 1740).
1367. Le sacrifice du Christ et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice : " C’est une seule et même victime, c’est le même qui offre maintenant par le ministère des prêtres, qui s’est offert lui-même alors sur la Croix. Seule la manière d’offrir diffère " (Cc. Trente, sess. 22a, Doctrina de ss. Missae sacrificio, c. 2 : DS 1743). " Et puisque dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ, qui s’est offert lui-même une fois de manière sanglante sur l’autel de la Croix, est contenu et immolé de manière non sanglante, ce sacrifice est vraiment propitiatoire " (ibid.).
2777. " Notre Père qui es aux cieux "
I. " Oser nous approcher en toute confiance "
Dans la liturgie romaine, l’assemblée eucharistique est invitée à prier Notre Père avec une audace filiale ; les liturgies orientales utilisent et développent des expressions analogues : " Oser en toute assurance ", " Rends-nous dignes de ". Devant le Buisson ardent, il fut dit à Moïse : " N’approche pas. Ote tes sandales " (Ex 3, 5). Ce seuil de la Sainteté divine, Jésus seul pouvait le franchir, lui qui, " ayant accompli la purification des péchés " (He 1, 3), nous introduit devant la Face du Père : " Nous voici, moi et mes enfants que tu m’as donnés " (He 2, 13) :
La conscience que nous avons de notre situation d’esclaves nous ferait rentrer sous terre, notre condition terrestre se fondrait en poussière, si l’autorité de notre Père lui-même et l’Esprit de son Fils ne nous poussaient à proférer ce cri : ‘Abba, Père !’ (Rm 8, 15) ... Quand la faiblesse d’un mortel oserait-elle appeler Dieu son Père, sinon seulement lorsque l’intime de l’homme est animé par la Puissance d’en haut ? (S. Pierre Chrysologue, serm. 71 : PL 52, 401CD).
2778. Cette puissance de l’Esprit qui nous introduit à la Prière du Seigneur est exprimée dans les liturgies d’Orient et d’Occident par la belle expression typiquement chrétienne : parrhésia, simplicité sans détour, confiance filiale, joyeuse assurance, humble audace, certitude d’être aimé (cf. Ep 3, 12 ; He 3, 6 ; 4, 16 ; 10, 19 ; 1 Jn 2, 28 ; 3, 21 ; 5, 14).
2779. Avant de faire nôtre ce premier élan de la Prière du Seigneur, il n’est pas inutile de purifier humblement notre cœur de certaines fausses images de " ce monde-ci ". L’humilité nous fait reconnaître que " nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler ", c’est-à-dire " aux tout petits " (Mt 11, 25-27). La purification du cœur concerne les images paternelles ou maternelles, issues de notre histoire personnelle et culturelle, et qui influencent notre relation à Dieu. Dieu notre Père transcende les catégories du monde créé. Transposer sur lui, ou contre lui, nos idées en ce domaine serait fabriquer des idoles, à adorer ou à abattre. Prier le Père c’est entrer dans son mystère, tel qu’Il est, et tel que le Fils nous l’a révélé :
L’expression Dieu le Père n’avait jamais été révélée à personne. Lorsque Moïse lui-même demanda à Dieu qui il était, il entendit un autre nom. A nous ce nom a été révélé dans le Fils, car ce nom implique le nom nouveau de Père (Tertullien, or. 3).
2780. Nous pouvons invoquer Dieu comme " Père " parce qu’il nous est révélé par son Fils devenu homme et que son Esprit nous le fait connaître. Ce que l’homme ne peut concevoir ni les puissances angéliques entrevoir, la relation personnelle du Fils vers le Père (cf. Jn 1, 1), voici que l’Esprit du Fils nous y fait participer, nous qui croyons que Jésus est le Christ et sommes nés de Dieu (cf. 1 Jn 5, 1).
2781. Quand nous prions le Père, nous sommes en communion avec lui et avec son Fils, Jésus-Christ (cf. 1 Jn 1, 3). C’est alors que nous le connaissons et le reconnaissons dans un émerveillement toujours nouveau. La première parole de la Prière du Seigneur est une bénédiction d’adoration, avant d’être une imploration. Car c’est la Gloire de Dieu que nous le reconnaissions comme " Père ", Dieu véritable. Nous lui rendons grâce de nous avoir révélé son Nom, de nous avoir donné d’y croire et d’être habités par sa Présence.
2782. Nous pouvons adorer le Père parce qu’il nous a fait renaître à sa Vie en nous adoptant comme ses enfants dans son Fils unique : par le Baptême, il nous incorpore au Corps de son Christ, et, par l’Onction de son Esprit qui s’épanche de la Tête dans les membres, il fait de nous des " christs " :
Dieu, en effet, qui nous a prédestinés à l’adoption de fils, nous a rendus conformes au Corps glorieux du Christ. Désormais donc, participants du Christ, vous êtes à juste titre appelés " christs " (S. Cyrille de Jérusalem, catech. myst. 3, 1 : PG 33, 1088A).
L’homme nouveau, qui est rené et rendu à son Dieu par la grâce, dit d’abord " Père ! ", parce qu’il est devenu fils (S. Cyprien, Dom. orat. 9 : PL 4, 525A).
2783. C’est ainsi que, par la Prière du Seigneur, nous sommes révélés à nous-mêmes en même temps que le Père nous est révélé (cf. GS 22, § 1) :
O homme, tu n’osais pas lever ton visage vers le ciel, tu baissais les yeux vers la terre, et soudain tu as reçu la grâce du Christ : tous tes péchés t’ont été remis. De méchant serviteur tu es devenu un bon fils.... Lève donc les yeux vers le Père qui t’a racheté par son Fils et dis : notre Père... Mais ne te réclame d’aucun privilège. Il n’est le Père, d’une manière spéciale, que du Christ seul, tandis que nous, il nous a créés. Dis donc toi aussi par grâce : notre Père, pour mériter d’être son fils (S. Ambroise, sacr. 5, 19 : PL 16, 450C).
2784. Ce don gratuit de l’adoption exige de notre part une conversion continuelle et une vie nouvelle. Prier notre Père doit développer en nous deux dispositions fondamentales :
Le désir et la volonté de lui ressembler. Créés à son image, c’est par grâce que la ressemblance nous est rendue et nous avons à y répondre.
Il faut nous souvenir, quand nous nommons Dieu ‘notre Père’ que nous devons nous comporter en fils de Dieu (S. Cyprien, Dom. orat. 11 : PL 4, 526B).
Vous ne pouvez appeler votre Père le Dieu de toute bonté si vous gardez un cœur cruel et inhumain ; car dans ce cas vous n’avez plus en vous la marque de la bonté du Père céleste (S. Jean Chrysostome, hom. in Mt. 7, 14 : PG 51, 44B).
Il faut contempler sans cesse la beauté du Père et en imprégner notre âme (S. Grégoire de Nysse, or. dom. 2 : PG 44, 1148B).
2785. Un cœur humble et confiant qui nous fait " retourner à l’état des enfants " (Mt 18, 3) : car c’est aux " tout petits " que le Père se révèle (Mt 11, 25) :
C’est un regard sur Dieu seul, un grand feu d’amour. L’âme s’y fond et s’abîme en la sainte dilection, et s’entretient avec Dieu comme avec son propre Père, très familièrement, dans une tendresse de piété toute particulière (S. Jean Cassien, coll. 9, 18 : PL 49, 788C).
Notre Père : ce nom suscite en nous, tout à la fois, l’amour, l’affection dans la prière, ... et aussi l’espérance d’obtenir ce que nous allons demander ... Que peut-il en effet refuser à la prière de ses enfants, quand il leur a déjà préalablement permis d’être ses enfants ? (S. Augustin, serm. Dom. 2, 4, 16 : PL 34, 1276).
2789. En priant " notre " Père, c’est au Père de notre Seigneur Jésus Christ que nous nous adressons personnellement. Nous ne divisons pas la divinité, puisque le Père en est " la source et l’origine ", mais nous confessons par là qu’éternellement le Fils est engendré par Lui et que de Lui procède l’Esprit Saint. Nous ne confondons pas non plus les Personnes, puisque nous confessons que notre communion est avec le Père et son Fils, Jésus Christ, dans leur unique Esprit Saint. La Trinité Sainte est consubstantielle et indivisible. Quand nous prions le Père, nous l’adorons et le glorifions avec le Fils et le Saint-Esprit.
2786. " Notre " Père concerne Dieu. Cet adjectif, de notre part, n’exprime pas une possession, mais une relation toute nouvelle à Dieu.
2787. Quand nous disons " notre " Père, nous reconnaissons d’abord que toutes ses Promesses d’amour annoncées par les Prophètes sont accomplies dans la nouvelle et éternelle Alliance en son Christ : nous sommes devenus " son " Peuple et il est désormais " notre " Dieu. Cette relation nouvelle est une appartenance mutuelle donnée gratuitement : c’est par l’amour et la fidélité (cf. Os 2, 21-22 ; 6, 1-6) que nous avons à répondre à " la grâce et à la vérité " qui nous sont données en Jésus-Christ (Jn 1, 17).
2788. Puisque la Prière du Seigneur est celle de son Peuple dans les " derniers temps ", ce " notre " exprime aussi la certitude de notre espérance en l’ultime promesse de Dieu : dans la Jérusalem nouvelle il dira au vainqueur : " Je serai son Dieu et lui sera mon fils " (Ap 21, 7).
2789. En priant " notre " Père, c’est au Père de notre Seigneur Jésus Christ que nous nous adressons personnellement. Nous ne divisons pas la divinité, puisque le Père en est " la source et l’origine ", mais nous confessons par là qu’éternellement le Fils est engendré par Lui et que de Lui procède l’Esprit Saint. Nous ne confondons pas non plus les Personnes, puisque nous confessons que notre communion est avec le Père et son Fils, Jésus Christ, dans leur unique Esprit Saint. La Trinité Sainte est consubstantielle et indivisible. Quand nous prions le Père, nous l’adorons et le glorifions avec le Fils et le Saint-Esprit.
2790. Grammaticalement, " notre " qualifie une réalité commune à plusieurs. Il n’y a qu’un seul Dieu et il est reconnu Père par ceux qui, par la foi à son Fils unique, sont renés de Lui par l’eau et par l’Esprit (cf. 1 Jn 5, 1 ; Jn 3, 5). L’Église est cette nouvelle Communion de Dieu et des hommes : unie au Fils unique devenu " l’aîné d’une multitude de frères " (Rm 8, 29), elle est en Communion avec un seul et même Père, dans un seul et même Esprit Saint (cf. Ep 4, 4-6). En priant " notre " Père, chaque baptisé prie dans cette Communion : " La multitude des croyants n’avait qu’un seul cœur et qu’une seule âme " (Ac 4, 32).
2791. C’est pourquoi, malgré les divisions des chrétiens, la prière à " notre " Père demeure le bien commun et un appel urgent pour tous les baptisés. En communion par la foi au Christ et par le Baptême, ils doivent participer à la prière de Jésus pour l’unité de ses disciples (cf. UR 8 ; 22).
2792. Enfin, si nous prions en vérité " Notre Père ", nous sortons de l’individualisme, car l’Amour que nous accueillons nous en libère. Le " notre " du début de la Prière du Seigneur, comme le " nous " des quatre dernières demandes, n’est exclusif de personne. Pour qu’il soit dit en vérité (cf. Mt 5, 23-24 ; 6, 14-16), nos divisions et nos oppositions doivent être surmontées.
2793. Les baptisés ne peuvent prier " notre " Père sans porter auprès de Lui tous ceux pour qui il a donné son Fils bien-aimé. L’amour de Dieu est sans frontière, notre prière doit l’être aussi (cf. NA 5). Prier " notre " Père nous ouvre aux dimensions de Son amour manifesté dans le Christ : prier avec et pour tous les hommes qui ne Le connaissent pas encore, afin qu’ils soient " rassemblés dans l’unité " (Jn 11, 52). Ce souci divin de tous les hommes et de toute la création a animé tous les grands priants : il doit dilater notre prière en largeur d’amour lorsque nous osons dire " notre " Père.
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